Compte rendu analytique officiel du 8 juillet 2009 : première séance

M. le président. La parole est à M. Christophe Caresche.

M. Christophe Caresche. Monsieur le président, avant d’évoquer la situation de Paris, je souhaite formuler deux remarques.

Décidément, il est difficile de légiférer sur des exceptions, et ce n’est pas le premier texte qui nous le prouve. En réalité, monsieur le ministre, vous déplorez un certain nombre d’anomalies qui seraient liées à la législation actuelle en matière de travail du dimanche et à des dérogations qui auraient été accordées dans des conditions tout à fait contestables.

Or, plutôt que d’en revenir à la règle, vous nous proposez un texte qui, s’il résout quelques problèmes, en crée beaucoup d’autres car le Gouvernement et sa majorité ne sont pas d’accord sur la question du repos dominical. Cela vous a donc conduits à élaborer une sorte de compromis bancal et fort contestable qui aura des répercussions bien plus importantes que vous ne le prétendez.

M. Marcel Rogemont. Très bien !

M. Christophe Caresche. Du reste, certains députés de la majorité nous font part ici courageusement de leurs craintes ; je sais que l’exercice est difficile pour eux.

Ce texte va créer des oppositions entre territoires, des ruptures d’égalité. En la matière, n’ayez aucun doute, le Conseil constitutionnel sera extrêmement précis. Les magasins d’une commune pourront ouvrir le dimanche tandis que ceux d’une commune voisine ne le pourront pas. C’est précisément la situation que le Président de la République dénonçait en parlant des Champs-Élysées. Or le texte qui nous est soumis ne règle pas ce problème, loin de là.

Il prévoit en effet que les agglomérations de plus d’un million d’habitants seront bénéficiaires des PUCE et auront la possibilité d’ouvrir le dimanche, sauf Lyon.

M. Richard Mallié, rapporteur. C’est faux ! Nous n’avons pas ajouté « sauf Lyon » !

M. Christophe Caresche. Or, que je sache, cette agglomération compte plus d’un million d’habitants.

M. Richard Malliérapporteur. Il n’y a pas d’usage à Lyon ! Lyon n’est pas concernée.

M. Christophe CarescheLyon fait-elle partie des agglomérations de plus d’un million d’habitants où il sera possible que les magasins ouvrent le dimanche ?

M. Richard Malliérapporteur. Non !

M. Alain Vidalies. Sauf que c’est le juge qui le dira !

M. Richard Malliérapporteur. Nous, nous savons lire le texte !

M. Christophe Caresche. Il y a donc bien opposition entre les territoires.

Il y a aussi opposition entre les salariés. Comment allez-vous expliquer à ceux d’une enseigne de la grande distribution que certains pourront être rémunérés double le dimanche parce que l’entreprise est implantée dans un PUCE tandis que d’autres ne le pourront pas parce qu’elle est située dans une zone touristique ? Il y a donc bien rupture d’égalité.

Vous n’avez pas été capables de définir une règle précise. Vous faites la loi sur des exceptions.

M. Christian Eckert. Très juste !

M. Richard Malliérapporteur. Vous n’avez pas lu le texte ! Contrairement à ce que vous dites, la règle est précise !

M. Christophe Caresche. Par ailleurs, personne ne peut dire aujourd’hui quelle sera la portée exacte du texte…

M. Richard Malliérapporteur. Si !

M. Christophe Caresche.…car il repose sur les décisions que les maires prendront dans les communes. Il est évident que le travail du dimanche risque de se développer en tache d’huile, par percolation comme l’a dit hier Christian Eckert, la carte de France du travail du dimanche évoluant au gré des décisions prises par les maires.

Le présent texte aura des conséquences importantes sur la mutation des usages commerciaux. À l’instant, un député a indiqué que si tous les commerces sont ouverts le dimanche à Paris, les habitants des communes situées à une heure de la capitale en voiture…

M. Christian Eckert. Jusqu’à Reims !

M. Christophe Caresche.…seraient tentés d’y venir le dimanche.

Vous allez donc entraîner des mutations extrêmement importantes dans les habitudes de consommation qui se feront au détriment d’un certain nombre de communes ou de territoires. Vous n’êtes pas cap
ables aujourd’hui de nous dire exactement quel sera l’impact exact de ce texte sur les territoires et les habitudes de consommation, ce qui est inquiétant.

J’en viens maintenant à la situation à Paris. La question n’est pas anecdotique puisqu’elle concerne 2 millions d’habitants.

M. Richard Malliérapporteur. C’est une bonne question !

M. Christophe Caresche. Or vous la réglez d’une manière qui n’est pas acceptable pour la démocratie ni pour les élus de Paris.

Vous donnez ainsi au préfet la possibilité de décider si Paris sera ou non une zone touristique.

M. Gérard Gaudron. Cela vous gêne !

M. Christophe Caresche. D’ailleurs, je note que votre texte est en recul par rapport à la législation actuelle puisque, jusqu’à présent, cette décision supposait que le Conseil de Paris soit saisi, au moins pour avis. Vous allez donner au préfet cette prérogative alors que rien ne le justifie.

M. Richard Dell’Agnola. C’est déjà lui qui donne les dérogations en ce qui concerne le dimanche !

M. Xavier Darcos, ministre du travail. Cela s’appelle la loi !

M. Christophe Caresche. Non, monsieur le ministre, la loi vous la faites dans le texte et vous avez parfaitement la possibilité de revenir sur des dispositions législatives.

Rien ne justifie donc ce statut d’exception dans ce domaine pour Paris.

M. Richard Malliérapporteur. Cela fait trente-cinq ans que c’est comme cela !

M. Marcel Rogemont. Si c’est déjà le cas, pourquoi changer la loi ?

M. Christophe Caresche. Votre réponse n’est pas satisfaisante, monsieur le rapporteur !

En vérité, vous vous méfiez de Paris ; la majorité et le Gouvernement n’aiment pas Paris ; ils n’aiment pas les élus parisiens. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Parce qu’ils sont socialistes !

M. Christophe Caresche. Il n’est que de voir la manière dont le redécoupage y est fait aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Hors sujet !

M. Christophe Caresche. Du reste, le Premier ministre n’a qu’une obsession : se présenter aux élections à Paris.

Seules des raisons politiques vous poussent à créer un statut d’exception pour Paris,…

M. André Wojciechowski. Hors sujet !

M. Christophe Caresche. ….ce qui est injustifié et inacceptable.

M. André Wojciechowski. C’est un procès d’intention !

M. Christophe Caresche. Je vous le dis clairement : vous n’aimez pas Paris !

M. Guy Geoffroy. Mais si !

M. Christophe Caresche. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

M. Richard Malliérapporteur. Vous démontrez une fois de plus la suffisance des Parisiens !

M. Guy Geoffroy. Je suis né à Paris et je n’accepte pas de tels propos.

M. le président. Monsieur Caresche, …

M. Christophe Caresche. Je n’en ai plus que pour quelques minutes.

M. le président. Ne vous inquiétez plus du temps de parole. Vous pouvez en effet vous exprimer aussi longtemps que vous voulez, une heure et même une heure et demie si vous le souhaitez.

En revanche je vous demande simplement de ne pas dire à des élus de la République qu’ils n’aiment pas Paris.

M. Christophe Caresche. Eh bien, moi, je vous le dis.

M. le président. Ce n’est pas un propos acceptable et j’aurais fait la même remarque à n’importe quel autre élu à propos de n’importe quelle autre ville de notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christophe Caresche. Je maintiens mes propos et je peux les prouver.

M. Guy Geoffroy. Paris n’appartient pas aux socialistes !

M. Christophe Caresche. J’en viens aux conséquences pour Paris de la décision d’y créer une zone touristique.

Député de Montmartre, je fus à l’origine de la création d’une zone touristique dans mon quartier. Malgré nos efforts pour délimiter au maximum le type de commerce qui pourrait être concerné, les enseignes internationales ont peu à peu remplacé les commerces de bouche rue Lepic et rue des Abbesses car elles seules peuvent financer des baux commerciaux revalorisés par la possibilité d’ouvrir le dimanche. Les associations de commerçants de ces rues nous avaient demandé de ne pas les classer en zone touristique. Voilà ce qui se passera dans un certain nombre de quartiers de Paris. Vous allez y accélérer la mutation commerciale.

M. Alain Vidalies. Évidemment !

M. Christophe Caresche. Vous allez mettre, le dimanche, la grande distribution en concurrence avec le commerce de proximité, lequel en sortira affaibli car le dimanche est sans doute l’un des seuls jours où, les grandes surfaces étant fermées, les Parisiens y font leurs courses.

En classant Paris
en zone touristique, vous allez faire disparaître le petit commerce au profit de la grande distribution et des grandes enseignes, surtout vestimentaires. Vous allez faire de Paris une sorte de Disneyland !

M. André Wojciechowski. Vous allez bien loin !

M. Marcel Rogemont. Attention, Nicolas Sarkozy va s’y promener avec Carla !

M. Christophe Caresche. Je sais, c’est pour cela que je le dis.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ce texte.

M. André Wojciechowski. Quel scoop !

M. Christophe Caresche. Depuis le début de la législature, s’il est un texte sur lequel l’opposition du parti socialiste est bien fondée, c’est celui-ci ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guy Geoffroy. Malheureusement, vous ne parlez pas de notre texte, mais d’un autre !

André Wojciechowski. Donc elle ne l’est pas sur d’autres textes !

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