Compte rendu analytique officiel du 7 juillet 2009 : première séance

Où l’on voit que le bon Docteur Mallié, arracheur de dents dans sa vie professionnelle, ne l’est pas pour rien…

Il nous réaffirme que son texte est une réponse technique à un problème technique. Effectivement, c’est ce que son préambule pose : il s’agirait uniquement de régler le cas de Plan de Campagne, et quelques cas isolés dans la région Parisienne.

Alors pourquoi le Docteur Carabistouille est-il arrivé à un texte qui généralise le travail dominical dans les zones touristiques, les « zones de plus d’un million d’habitants sauf Lyon », et les zones frontalières ? Marteau-pilon pour écraser une mouche, ou intention voilée sous-jacente ?

La parole est à M. Richard Mallié, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Richard Malliérapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, monsieur le ministre chargé des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des affaires économiques, de l’environnement et du territoire, mes chers collègues, cela fait plusieurs années que je travaille sur ce dossier et nous voici, enfin, réunis pour examiner une proposition de loi, fruit de ces années de travail et de réflexion.

Mme Pascale Crozon et Mme Marie-Odile Bouillé. Tout cela pour ça !

M. Richard Malliérapporteur. Par deux fois, en 2007, le Conseil économique, social et environnemental a conduit des études approfondies sur ce sujet. Le rapport établi par Léon Salto ainsi que l’étude présentée par Jean-Paul Bailly constituent des analyses solides et doivent être salués. De plus, en 2007 également, un rapport du Conseil d’analyse économique, rédigé par Pierre Cahuc, Patrick Artus et André Zylberberg, a permis d’apporter un point de vue nouveau sur le sujet.

Comme vous le voyez, la question du travail dominical est à l’origine d’un débat légitime et important, s’agissant d’un sujet où trop souvent l’irrationnel l’emporte sur les faits.

Il faut être attentif à ne pas caricaturer un texte dont l’objet n’est ni de supprimer le repos du dimanche, ni d’ouvrir la voie à une généralisation du travail dominical…

Plusieurs députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. Mais si !

M. Richard Malliérapporteur. …mais, peut-être, est-ce un vœu pieux !

Avant toute chose, ce texte réaffirme, en préambule, que, « dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ».

Cette proposition de loi a également pour vocation d’apporter des aménagements à ce principe et des garanties nécessaires à une pratique assez généralement constatée dans notre pays. Il s’agit bien d’une réponse technique à des problèmes techniques incontestables.

M. Jean Mallot. On aura tout entendu !

M. Richard Malliérapporteur. Il s’agit d’apporter des réponses ciblées à des questions spécifiques.

Ce texte n’a pas pour objectif d’autoriser tous les commerces à ouvrir le dimanche, mais bien d’adapter les règles applicables aux zones touristiques, aux périmètres d’usage de consommation exceptionnel et aux commerces de détail alimentaire.

Naturellement, évoquer le principe du repos dominical, c’est accepter d’aborder les multiples enjeux que recouvre cette question. Je rappellerai brièvement ces enjeux, que nous avons tous présents à l’esprit.

Le débat est d’abord juridique, voire historique. Tandis que le repos hebdomadaire est respecté sous l’Ancien Régime pour des raisons religieuses et sociétales, la Révolution de 1789 remet en cause cet état de fait. Napoléon Bonaparte alla plus loin, déclarant même qu’il était contraire au droit divin d’empêcher l’homme de travailler le dimanche pour gagner son pain, qu’il avait autant de besoins le dimanche que les autres jours de la semaine. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean Mallot. Le lundi aussi ! Le dimanche, toute la nuit !

M. le président. Calmez-vous, mes chers collègues !

M. Richard Malliérapporteur. Je suis en train de vous expliquer, écoutez-moi !

Au cours du XIXe siècle, différentes positions se sont affrontées sur le sujet. Au milieu du siècle, ce fut tout d’abord le lundi qui s’imposa comme jour de repos hebdomadaire. Mais ce « saint Lundi » était un jour de fête réservé essentiellement aux ouvriers. Puis, en 1892, une loi fut adoptée afin d’accorder le repos hebdomadaire aux femmes et aux enfants. Enfin, c’est un amendement voté par la Chambre des députés en 1902 qui deviendra loi, promulguée en 1906 : quinze ans après qu’ont eut accordé le repos hebdomadaire aux femmes et aux enfants, elle assurait à une grande partie du monde salarial un repos hebdomadaire d’une durée de vingt-quatre heures, fixé de préférence le dimanche. N’oublions pas qu’à cette époque, il y a précisément 103 ans de cela, la plupart des ouvriers et employés étaient privés de repos et ne disposaient pas d’un seul jour libre par an.

On sait que le principe du repos dominical, posé par la loi du 13 juillet 1906, va de pair, dès l’origine, avec des dérogations. D’ailleurs, en 1914, 30 % seulement des boutiques l’appliquaient. Je rappelle quand même qu’on dénombrait plus de 25 347 dérogations dès 1913 ! Elles concernaient les coiffeurs, les cordonniers ou encore les merciers. Dans les années vingt, le
président du Conseil de l’époque, Alexandre Millerand, avait d’ailleurs déclaré : « Il y a sur le repos dominical autant d’exceptions qu’il y a de communes ». Ce constat n’est donc pas nouveau, mais la complexité des règles applicables aujourd’hui amène parfois à l’absurde.

De l’incohérence, on passe parfois à l’injustice, comme c’est le cas avec les zones touristiques.

Mme Laurence Dumont. Ce sera pire demain !

M. Richard Malliérapporteur. Je me permets de faire référence à l’exemple du magasin de chaussures de plage autorisé à ouvrir le dimanche, tandis que le commerce voisin vendant des chaussures de ville ne pourra le faire.

L’enjeu est aussi économique. La question des effets économiques des dérogations à la règle du repos dominical n’est pas facile.

Mais comment ne pas tenir compte de la demande réelle des consommateurs dans les grandes agglomérations, en particulier lorsqu’ils sont jeunes ? Comment ne pas prendre en considération les évolutions du commerce, à commencer par le développement considérable des achats par Internet ?

Mme Catherine Lemorton. C’est n’importe quoi !

M. Jean Mallot. C’est incroyable !

M. Richard Malliérapporteur. En effet, certains avancent l’idée que le travail dominical porterait atteinte aux commerces de centre ville. L’achat sur Internet, qui a augmenté de 26 % au premier trimestre 2009, apparaît tout de même comme un concurrent plus que sérieux.

M. Jean Mallot. Téléchargez le catalogue de La Redoute !

M. Richard Malliérapporteur. Certains syndicats mettent en avant qu’un achat sur Internet n’est pas à proprement parler un acte d’achat, mais, jusqu’à preuve du contraire, l’argent ainsi dépensé ne le sera pas dans un commerce traditionnel.

Enfin, l’enjeu est bien sûr social. Le dimanche n’est pas une journée comme les autres, ne l’a jamais été et ne doit en aucun cas le devenir.

Mme Laurence Dumont. On est d’accord !

M. Richard Malliérapporteur. Vous voyez que l’on parvient à être d’accord !

Mme Laurence Dumont. On va s’en occuper ! Comptez sur nous, on est là pour ça !

M. Richard Malliérapporteur. Cela étant, en cette période difficile pour l’économie et l’emploi dans notre pays, plusieurs magasins, qui bénéficiaient en toute bonne foi d’arrêtés préfectoraux, sont attaqués devant la justice afin qu’ils cessent d’employer des salariés le dimanche. Actuellement, il n’est pas possible de faire l’économie de milliers d’emplois.

Face à cette terrible situation, nous avons un devoir de pragmatisme pour trouver des solutions. Ce texte permet de définir un cadre juridique national, mais la décision d’application se fera au niveau local, car nul ne connaît mieux son territoire que celui qui y vit. Nous ne voulons pas la généralisation du travail dominical, mais la prise en compte des situations spécifiques. Je tiens d’emblée à préciser que les dispositions proposées ne sont en aucun cas synonymes d’ouverture automatique des établissements concernés le dimanche. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Ces mesures sont de trois ordres. La première consiste à simplifier le régime applicable dans les communes et zones touristiques. Le Conseil économique, social et environnemental considère, dans le rapport Salto de février 2007, que, « pour des raisons d’équité et de cohérence commerciale, l’autorisation d’ouverture le dimanche pour les commerces situés en zones ou communes touristiques » doit s’appliquer à l’ensemble des commerces, et, à cette occasion, il appelle « l’attention sur la situation particulière des travailleurs saisonniers ou à temps partiel ». Cette proposition a été adoptée par le CES à une très large majorité, aucun syndicat ne s’y opposant. Cette mesure clarifie le régime juridique existant, concernant d’emploi de salariés le dimanche dans les communes et dans les zones touristiques. Il est vrai que l’on entend par zone tout ou partie d’une commune. Aujourd’hui, selon le code du travail, dans tout ou partie d’une commune touristique ou thermale, le repos hebdomadaire peut être donné par roulement dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition du public des biens et des services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel.

Je propose simplement, mes chers collègues, de permettre l’emploi de salariés le dimanche dans tous les commerces de détail à l’intérieur des zones touristiques, et non plus uniquement dans ceux qui mettent à disposition du public des biens et services « d’ordre sportif, récréatif ou culturel ».

Un député du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche. C’est plus vaste !

M. Richard Malliérapporteur. Certains ont vainement essayé de faire l’amalgame entre le classement des communes touristiques selon le code du travail et le classement des communes touristiques selon le code du tourisme – deux procédures distinctes.(Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Eckert. On va rire !

M. Richard Malliérapporteur. L’une relève de la loi du 14 avril 2006, l’autre de l’article R. 3132-20 du code du travail. Cela explique que 500 communes environ sont aujourd’hui classées communes touristiques au sens du code du travail contre 3 500, au minimum, aux termes du code du tourisme. Ainsi, si une commune est touristique au sens du code du tourisme, elle ne le sera pas forcément selon le code du travail.

La deuxième mesure de ce texte est également une recommandation du CES. Il s’agit de l’adaptation aux modes de vie actuels du régime des dérogations accordées dans les commerces de détail alimentaire. Aujourd’hui, dans ces commerces, le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche à partir de midi. Comme l’ont noté les différents travaux du CES sur le sujet, l’heure de midi ne tient pas compte des rythmes de vie actuels. En pratique, ces commerces sont souvent ouverts jusqu’à douze heures trente, voire treize heures.

À cet égard, le Conseil économique, social et environnemental a lui-même évoqué la nécessité de « mettre le droit en accord avec les faits ».

Ce texte propose donc de porter de midi à treize heures l’heure à parti
r de laquelle le repos hebdomadaire peut être donné le dimanche dans les commerces de détail alimentaire.

Enfin, il a été décidé de prendre acte de l’évolution des modes de vie dans les plus grandes agglomérations.

M. Jean Mallot. Cela peut aller loin !

M. Richard Malliérapporteur. Cette évolution est symbolisée par quelques zones où l’usage veut que la consommation de fin de semaine, c’est-à-dire le samedi et le dimanche, est très forte. Le Conseil économique et social a en effet mis l’accent à différentes reprises sur les nouveaux rythmes de vie et les nouveaux comportements de consommation dans les très grandes agglomérations.

C’est pour répondre à cette évolution que la présente proposition de loi ouvre au préfet la possibilité de délimiter des périmètres d’usage de consommation exceptionnel, qui seraient caractérisés, au sein d’unités urbaines de plus d’un million d’habitants, par des habitudes de consommation de fin de semaine, par l’importance de la clientèle concernée et par son éloignement de ce périmètre : autrement dit, seraient concernés les lieux où l’on a l’habitude de consommer le samedi et le dimanche, sur les sites où il existe de grands flux de clientèle ces jours-là.

Dans ces seuls périmètres, le repos hebdomadaire pourra être donné par roulement, pour tout ou partie du personnel, dans les établissements de vente au détail.

Ce texte réglemente la mise en œuvre de ce régime en l’assortissant de conditions exigeantes. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) En effet, cette possibilité doit être encadrée par des garanties nouvelles au profit des salariés.

Ces conditions concernent d’abord la procédure à suivre. Le conseil municipal prend l’initiative de la demande et le conseil de communauté sera nécessairement consulté par le préfet. Ce dernier fixera ensuite le périmètre de la zone.

Ces conditions concernent également la nature des garanties accordées. En effet, les dérogations ne pourront être attribuées par le préfet qu’au vu d’un accord collectif ou, à défaut, d’une décision unilatérale de l’employeur prise après référendum auprès des personnels concernés.

Mme Catherine Lemorton. Décision unilatérale !

M. Richard Malliérapporteur. L’accord collectif devra décrire les contreparties accordées aux salariés concernés, repos compensateur et majorations salariales.

M. Jean-Jacques Urvoas. Personne ne vous croit !

M. Richard Malliérapporteur. Il devra également mentionner les engagements pris en termes d’emploi et en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées.

En l’absence d’accord collectif applicable, une décision unilatérale de l’employeur pourra être prise après avis des représentants du personnel et après un référendum. Dans ce cas, le texte prévoit que le salarié bénéficiera au minimum d’un doublement de salaire et d’un repos compensateur.

Dans tous les cas, les salariés concernés auront le droit de refuser de travailler le dimanche sans que des sanctions puissent être prises de ce fait à leur encontre.

M. Jean-Paul Lecoq. Vous rêvez !

M. Richard Malliérapporteur. Le texte de la proposition de loi est sans ambiguïté : « Le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une autorisation de déroger à la règle du repos hebdomadaire ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement ». L’examen en commission a d’ailleurs permis d’enrichir ce droit de refus, grâce à un amendement de M. Vercamer. Il a été précisé qu’une entreprise ne pourrait refuser d’embaucher une personne qui refuse de travailler le dimanche.

Mme Martine Billard. Vous croyez au Père Noël !

M. Richard Malliérapporteur. De plus, à la suite d’échanges avec les partenaires sociaux, un amendement a été adopté en commission renvoyant à la négociation collective le soin de déterminer les conditions dans lesquelles l’employeur devra prendre en compte l’évolution de la situation personnelle des salariés privés de repos dominical.

Cet amendement dispose en outre qu’en l’absence d’un tel accord, l’employeur aura l’obligation, chaque année, de proposer au salarié travaillant le dimanche une priorité en vue d’occuper un emploi équivalent ne comportant pas de travail le dimanche.

Cet amendement ouvre aussi la possibilité à tout salarié travaillant le dimanche de demander, à tout moment, à bénéficier d’une priorité pour occuper un emploi ne comportant pas de travail le dimanche.

Je souhaite d’ailleurs que cette notion de priorité ne dépasse pas les trois mois et c’est pourquoi j’ai déposé un amendement dans ce sens.

Le CES a entièrement raison quand il déclare : « Il est souvent argué que le choix de travailler le dimanche n’est pas véritablement libre et même qu’il est assez souvent contraint. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Pour autant, ce qui est vraiment contraignant, c’est l’absence d’opportunité qui interdit tout choix. ». (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

De nouvelles règles claires et légitimes sont donc proposées. Nous comptons sur le Gouvernement pour en surveiller la stricte application.

Pour conclure, je souhaite citer le sénateur Poirrier, rapporteur du texte de 1906 : « Une majorité s’est faite à l’Assemblée pour indiquer qu’il fallait entrer dans la voie du repos hebdomadaire sans imposer une règle stricte à tout le monde. Nous n’avons que trop la manie de réglementer sur toutes choses et nous finirons par concevoir au XXIe siècle une civilisation dans laquelle le plus grand nombre de citoyens sera molesté par une minorité qui n’aura pas de profession. Il faut que, dans une loi relative au repos hebdomadaire, nous fassions quelque chose d’aussi libéral et d’aussi pratique que possible. Il faut que, dans une loi relative au repos hebdomadaire, nous gênions le moins possible le fonctionnement de la vie du peuple ».

Je vous propose simplement, par ce présent texte, d’y contribuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laurence Dumont. Quelle régression !

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