Proposition de loi ou Projet de loi ? Analyse.

Si nous ne partageons pas la conclusion de l’article (le gouvernement « aux abois »), nous estimons que cette analyse de Philippe Gras est néammoins très intéressante. Usure, Manipulation, Pression, la devise du Gouvernement ?

Le Gouvernement a les parlementaires à l’usure

Le Mague, 28/04/09

Deux réformes projetées par le gouvernement sont à nouveau présentées à la représentation nationale après avoir été rejetées. Le cas est inédit dans les annales de la République, et nul ne s’émeut de cette incongruité.

L’extension du travail le dimanche et le projet intitulé Création et Internet vont revenir devant les parlementaires après qu’ils les ont retoqués. Le travail dominical est apparemment une préoccupation majeure du pouvoir exécutif, et tout est préparé dans les moindres détails pour le voir mis en œuvre au plus tôt. Le député UMP Richard Mallié, auteur de la proposition de loi enlisée, a été reçu discrètement mercredi 22 avril par Brice Hortefeux.

Le ministre du Travail a été convaincu qu’avec le nouveau règlement de l’Assemblée et l’instauration du temps global qui limite la durée des débats, le texte pourrait être voté sans risque. Seule condition technique : rédiger une nouvelle proposition de loi puisque le temps global ne pourrait pas s’appliquer avec l’ancien texte… Officiellement d’initiative parlementaire, la proposition sera sévèrement bordée par Brice Hortefeux. Tellement bordé que le ministre a prévu de consulter les partenaires sociaux et des autorités catholique et protestante, comme si le texte émanait du gouvernement !

Quant à Roger Karoutchi, la rebuffade à laquelle il a été exposée l’a beaucoup affecté. Je suis extraordinairement combatif et mobilisé, d’autant plus que je reconnais avoir été très remonté après le rejet du projet Création et Internet, en raison de la méthode employée. Depuis, Jean-François Copé et moi-même avons écrit à tous les députés de la majorité pour les remobiliser, confie-t-il au quotidien Le Figaro. Un texte identique au précédent leur est soumis dès mercredi.

Les deux réformes ne sont pas des mesures phares du programme présidentiel, et le gouvernement pourrait passer l’éponge. Personne ne le leur en ferait reproche. Mais la bronca des sénateurs et des députés lui a fortement déplu, au point que François Fillon, qui n’est pas homme à se laisser faire comme il l’a montré sous le gouvernement Raffarin, s’est braqué. Quelque chose ne lasse pas d’étonner cependant. Passe encore qu’on se fiche du corps électoral en faisant passer une réforme constitutionnelle par la voie parlementaire après qu’il l’a refusée par référendum, le peuple a peu de poids.

Mais ses représentants ont appris à courber l’échine sous la Vème République… Hervé Mariton plaide que l’absentéisme est une forme polie de contestation. Si l’exécutif avait contraint les députés de notre groupe opposés à la loi HADOPI, ou à la loi OGM, à être présents en séance, comment croyez-vous qu’ils auraient voté ? Ceux de l’opposition fourbissent leurs armes en potassant le règlement de leur chambre, et se mettent à imaginer des stratégies. Les parlementaires de la majorité présidentielle renâclent, mais ils accusent le coup. Et le gouvernement, de son côté, ne conçoit pas d’engager sa responsabilité sur l’un ou l’autre texte.

Une telle situation ne s’est pas présentée sous les législatures précédentes. Le gouvernement ne présentait pas de texte dès qu’il estimait les conditions pour rassembler une majorité de voix par trop hasardeuse. Nombre de projets sont ainsi restés dans les cartons ! Il engageait sa responsabilité sur des questions importantes, sur lesquelles des citoyens auraient pu reprocher à leurs élus de ne pas s’être prononcé dans la logique de leur engagement. Sous les IIIème et IVème République, un texte recueillant une majorité de voix relative pouvait être rejeté sans forcément mettre le gouvernement en situation d’instabilité. De savants calculs étaient établis par les parlementaires, afin de préserver une certaine cohésion institutionnelle.

C’est aussi la première fois que la majorité semble aussi hégémonique, du moins sur le papier. Les législatures précédentes s’appuyaient sur plusieurs partis, au moins deux. Depuis juin 2007, le Nouveau Centre, en dépit de ses velléités d’indépendance, n’a pas vraiment d’influence sur les choix du gouvernement. Ses membres le vivent assez mal, et participent de manière très active aux débats parlementaires. Leur contribution est d’autant plus utile que pour une fois, le parti majoritaire n’est pas monolithique, et présente souvent des lignes de fracture héritées de l’Histoire des droites françaises. En revanche, le gouvernement s’appuie dessus sans s’apercevoir de la fragmentation de l’UMP. Il est bien moins circonspect que les cabinets précédents, mais il essuie des rebuffades qui ternissent d’autant plus sa légitimité qu’il semble ne pas voir les choses comme elles sont en réalité.

De ce fait, les textes de loi litigieux entament beaucoup plus durement sa crédibilité dans l’opinion publique, par ailleurs mal à l’aise en raison du décalage entre les promesses auxquelles elle a cru en 2007, et une conjoncture économique pour le moins déprimée. Le gouvernement a l’air arrogant, dirigiste, les mauvaises langues diront carrément fasciste. Il est simplement aux abois.

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