La nouvelle proposition Mallié

N° 1685

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

TREIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 mai 2009.

PROPOSITION DE LOI

réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires,

(Renvoyée à la commission des affaires culturelles, familiales et sociales, à défaut de constitution
d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par Mesdames et Messieurs

Richard MALLIÉ, François BAROIN, Marc LE FUR, Philippe MEUNIER, Jean-Frédéric POISSON, Bernard REYNÈS, Manuel AESCHLIMANN, Yves ALBARELLO, Alfred ALMONT, Nicole AMELINE, Benoist APPARU, Martine AURILLAC, Patrick BALKANY, Jean BARDET, Patrick BEAUDOUIN, Jean-Claude BEAULIEU, Jacques Alain BÉNISTI, Xavier BERTRAND, Gabriel BIANCHERI, Émile BLESSIG, Roland BLUM, Claude BODIN, Valérie BOYER, Philippe BRIAND, Bernard BROCHAND, Patrice CALMÉJANE, Joëlle CECCALDI-RAYNAUD, Philippe COCHET, René COUANAU, Gilles D’ETTORE, Olivier DASSAULT, Camille de ROCCA-SERRA, Patrice DEBRAY, Bernard DEBRÉ, Jean-Pierre DECOOL, Bernard DEFLESSELLES, Richard DELL’AGNOLA, Sophie DELONG, Bernard DEPIERRE, Nicolas DHUICQ, Éric DIARD, Jacques DOMERGUE, Marie-Louise FORT, Jean-Michel FOURGOUS, Sauveur GANDOLFI-SCHEIT, Gérard GAUDRON, Guy GEOFFROY, Bernard GÉRARD, Georges GINESTA, Jean-Pierre GORGES, Jean-Claude GUIBAL, Michel HERBILLON, Françoise HOSTALIER, Sébastien HUYGHE, Maryse JOISSAINS-MASINI, Christian KERT, Thierry LAZARO, Frédéric LEFEBVRE, Gabrielle LOUIS-CARABIN, Jean-François MANCEL, Thierry MARIANI, Christine MARIN, Patrice MARTIN-LALANDE, Henriette MARTINEZ, Jacques MASDEU-ARUS, Jean-Claude MATHIS, Gérard MILLET, Pierre MOREL-A-L’HUISSIER, GEORGES MOTHRON, Étienne MOURRUT, Alain MOYNE-BRESSAND, Renaud MUSELIER, Jean-Pierre NICOLAS, Patrick OLLIER, Yanick PATERNOTTE, Axel PONIATOWSKI, Josette PONS, Daniel POULOU, Éric RAOULT, Franck RIESTER, Jean ROATTA, Jean-Marc ROUBAUD, Bruno SANDRAS, Jean-Pierre SCHOSTECK, Georges SIFFREDI, Daniel SPAGNOU, Guy TEISSIER, Dominique TIAN, Georges TRON, Yves VANDEWALLE, Catherine VAUTRIN, Philippe VITEL et André WOJCIECHOWSKI,

députés.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

Issu de la tradition chrétienne, le repos hebdomadaire dominical s’est imposé avec le vote de la loi du 13 juillet 1906, établissant ce repos en faveur des employés et des ouvriers. Le code du travail dispose qu’il est interdit d’occuper plus de six jours par semaine un même salarié, que ce repos doit avoir une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s’ajoutent les 11 heures de repos quotidien et qu’il doit être donné le dimanche.

Ces principes humanistes sont maintenus et réaffirmés. Il ne s’agit donc pas de remettre en cause le principe du repos du dimanche ; il ne s’agit pas non plus d’étendre le travail du dimanche à l’ensemble du territoire national en augmentant le nombre des dimanches où les salariés peuvent travailler.

Il apparaît cependant nécessaire, comme cela a été le cas à plusieurs reprises depuis 1906, d’adapter les dérogations existantes pour régler, en tout et pour tout, deux situations particulières.

Depuis un an, le débat s’est largement installé autour des propositions de loi déposées sur ce sujet. À l’occasion de l’examen du dernier texte à l’Assemblée nationale, des évolutions ont été le fruit de discussions en commission. Elles ont permis d’en améliorer la qualité.

Pour autant, il est aujourd’hui nécessaire de régler les situations les plus urgentes et de cibler tous nos efforts sur celles-ci. Il y a urgence car personne ne souhaite, dans la conjoncture actuelle, un été ponctué de fermetures de commerces et de licenciements portant sur plusieurs milliers d’emplois. Tout doit être fait en cette période de crise pour sauvegarder l’emploi.

Aujourd’hui, dans la région parisienne et aux environs d’Aix-en-Provence, des salariés ont exprimé le souhait de travailler le dimanche. Cette demande est souvent réitérée depuis de nombreuses années.

La zone de « Plan de campagne » dans les Bouches-du-Rhône emploie des salariés le dimanche depuis 40 ans. Il en va de même de magasins du centre commercial Art de Vivre, à Éragny, depuis son ouverture voici près de 20 ans. Bien souvent, ces zones bénéficiaient d’ailleurs d’arrêtés préfectoraux. D’autres illustrations pourraient être données.

Par ailleurs, dans les zones touristiques, la situation est incompréhensible par les visiteurs, notamment étrangers. Un magasin qui vend des lunettes de soleil peut ouvrir le dimanche car son activité est considérée comme « de loisir » et si ce magasin vend des lunettes de vue, il ne peut pas, en droit, faire travailler des salariés le dimanche. Personne ne comprend que des magasins soient fermés le dimanche sur les Champs-Élysées, que des magasins de vêtements soient obligés de se déclarer créateurs de mode pour ouvrir dans une rue touristique. En ce cas, il faut apprécier, boutique par boutique, s’il y a, ou non, création… Personne ne s’y retrouve.

La proposition de loi apporte donc des réponses précises pour résoudre ces deux problèmes.

En premier lieu, dans les zones touristiques et thermales, il est important de permettre à tous types de commerces – comme c’est d’ailleurs souvent le cas en fait – et non plus uniquement à ceux qui mettent « à disposition du public des biens et services destinés à faciliter son accueil ou ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel » d’employer des salariés le dimanche, suivant en cela les recommandations du Conseil économique, social et environnemental.

Ces commerces pourront donc employer directement des salariés le dimanche, dans le cadre de règles simplifiées.

En deuxième lieu, la proposition de loi définit des périmètres d’usage de consommation exceptionnel (PUCE). Ces PUCE seront caractérisés par des circonstances locales particulières marquées par des usages de consommation de fin de semaine. C’est dans les lieux où l’on a l’habitude de consommer le samedi et le dimanche, sur les sites où il existe des flux de clientèle importants ces jours-là que le préfet pourra, sur demande du conseil municipal, délimiter un PUCE.

Mais l’usage de consommation de fin de semaine peut aussi exister dans une zone frontalière lorsque cet afflux de clientèle n’est pas constaté dans notre pays mais chez nos voisins. Et dans ce cas aussi, le préfet pourra délimiter un PUCE sur demande préalable du conseil municipal.

Ces périmètres et donc les dérogations au repos dominical des commerces situés en leur sein permettant à des salariés de travailler le dimanche pourront être mise en place uniquement pour les unités urbaines de plus d’un million d’habitants, telles que définies par l’INSEE. Dans la pratique, ne seraient donc concernées que les agglomérations de Paris, Aix-Marseille et Lille. En effet, il n’existe pas d’usage de consommation le samedi et le dimanche dans l’agglomération lyonnaise.

Une telle zone sera établie par le préfet sur la seule proposition des conseils municipaux. Les en
treprises situées dans cette zone pourront ensuite demander une dérogation au préfet si, et seulement si, il y a un accord avec les partenaires sociaux fixant les contreparties pour les salariés. A défaut d’accord, un référendum sera organisé, et les contreparties seront nécessairement un doublement de salaire et un repos compensateur.

Il faut apporter de nouvelles garanties aux employés qui, dans un PUCE, ne souhaitent pas travailler le dimanche. C’est pourquoi ce travail du dimanche devra reposer sur le volontariat, sous la forme d’un accord explicite. Un employeur ne pourra refuser d’embaucher une personne qui refuse de travailler le dimanche. L’inscription du droit de refus dans la loi rendra illégale toute sanction ou mesure discriminatoire contre un salarié qui en userait. Le salarié travaillant le dimanche pourra par ailleurs demander à ce qu’il soit tenu compte de l’évolution de sa situation personnelle.

Ces dérogations au repos dominical ne s’appliqueront pas aux grandes surfaces alimentaires. Il convient en effet de protéger le petit commerce.

Bien évidemment, les dispositions spécifiques existantes en matière de repos dominical en Alsace-Moselle en vertu d’un code professionnel local subsistent et la proposition de loi ne les modifie pas. Elle ne s’y applique donc pas.

S’agissant des contreparties légales, le texte distingue deux types de situations :

– d’une part, celles dans lesquelles le travail du dimanche constitue une dérogation de plein droit et découle des caractéristiques de l’activité même (ce qui est le cas des 180 dérogations de droit existantes comme, par exemple les restaurants, hôpitaux, pompes à essence, cinéma…) ou de la zone dans laquelle se situe le commerce (ce qui est le cas dans les zones touristiques et thermales) ;

– et d’autre part celles pour lesquelles une autorisation administrative temporaire et individuelle conditionne l’emploi de salariés le dimanche.

Dans le premier cas, tout emploi est susceptible d’impliquer pour un salarié un travail le dimanche puisque cela découle de facteurs structurels.

Dans l’autre cas, le travail des salariés le dimanche revêt un caractère exceptionnel et est subordonné à une autorisation individuelle donnée par l’administration. Il est donc normal que les salariés concernés bénéficient de contreparties prévues par la loi dans cette seconde situation.

Par ailleurs, la proposition de loi reprend une préconisation du Conseil économique, social et environnemental et fixe à 13 heures au maximum, au lieu de 12 heures, la fin de la plage d’ouverture des commerces de détail alimentaires pour mieux correspondre aux usages de consommation.

Seule une approche pragmatique et efficace doit permettre de régler définitivement les problèmes survenus en matière de dérogations au repos dominical. Garantir le respect du repos dominical tout en sauvegardant l’emploi dans des zones bien définies où faute d’une législation adaptée, celui-ci serait compromis ou menacé. Tel est l’objet et le seul objet de ce texte.

PROPOSITION DE LOI

Article unique

I. – L’article L. 3132-3 du code du travail est ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-3. – Dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche. »

II. – L’article L. 3132-25 du code du travail est remplacé par les articles L. 3132-25, L. 3132-25-1, L. 3132-25-2, L. 3132-25-3, L. 3132-25-4, L. 3132-25-5 et L 3132-25-6 ainsi rédigés :

« Art. L. 3132-25. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-20, les établissements de vente au détail situés dans les communes touristiques ou thermales et dans les zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente, peuvent, de droit, donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel.

« La liste des communes touristiques ou thermales intéressées et le périmètre des zones touristiques d’affluence exceptionnelle ou d’animation culturelle permanente sont établis par le préfet sur proposition de l’autorité administrative visée à l’article L. 3132-26.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »

« Art. L. 3132-25-1. – Sans préjudice des dispositions de l’article L. 3132-20, dans les unités urbaines de plus de 1 000 000 d’habitants, le repos hebdomadaire peut être donné, après autorisation administrative, par roulement, pour tout ou partie du personnel, dans les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services dans un périmètre d’usage de consommation exceptionnel caractérisé par des habitudes de consommation de fin de semaine, l’importance de la clientèle concernée et l’éloignement de celle-ci de ce périmètre.

« Art. L. 3132-25-2. – La liste et le périmètre des unités urbaines mentionnées à l’article L. 3132-25-1 sont établis par le préfet de région sur la base des résultats du recensement de la population.

« Sur demande du conseil municipal, au vu de circonstances particulières locales et :

« – d’usages de consommation de fin de semaine au sens de l’article L. 3132-25-1

« – ou de la proximité immédiate d’une zone frontalière où il existe un usage de consommation de fin de semaine, compte tenu de la concurrence produite par cet usage,

« le préfet délimite le périmètre d’usage de consommation exceptionnel au sein des unités urbaines, après consultation de l’organe délibérant de la communauté de communes, de la communauté d’agglomération ou de la communauté urbaine, lorsqu’elles existent, sur le territoire desquelles est situé ce périmètre.

« Le préfet statue après avoir recueilli l’avis du conseil municipal de la ou des communes n’ayant pas formulé la demande visée au présent article et n’appartenant pas à une communauté de communes, une communauté d’agglomération ou une communauté urbaine dont la consultation est prévue à l’alinéa précédent, lorsque le périmètre sollicité appartient en tout ou partie à un ensemble commercial, au sens de l’article L. 752-3 du code de commerce, situé sur leur territoire.

« Art. L. 3132-25-3. – Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1 sont accordées au vu d’un accord collectif ou, à défaut, d’une décision unilatérale de l’employeur prise après référendum.

« L’accord fixe les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées.

« En l’absence d’accord collectif applicable, les autorisations sont accordées au vu d’une décision unilatérale de l’employeur, prise après avis du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, lorsqu’ils existent, approuvée par référendum organisé auprès des personnels concernés par cette dérogation au repos dominical. La décision de l’employeur approuvée par référendum fixe les contreparties accordées aux salariés privés du repos dominical ainsi que les engagements pris en termes d’emploi ou en faveur de certains publics en difficulté ou de personnes handicapées. Dans ce cas, chaque salarié privé du repos du dimanche bénéficie d’un repos compensateur et perçoit pour ce jour de travail une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équival
ente.

« Lorsqu’un accord collectif est régulièrement négocié postérieurement à la décision unilatérale prise sur le fondement de l’alinéa précédent, cet accord s’applique dès sa signature en lieu et place des contreparties prévues par cette décision.

« Art. L. 3132-25-4. – Les autorisations prévues aux articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1 sont accordées pour une durée limitée, après avis du conseil municipal, de la chambre de commerce et d’industrie, de la chambre des métiers  et des syndicats d’employeurs et de salariés intéressés de la commune.

« Seuls les salariés ayant explicitement donné leur accord à leur employeur peuvent travailler le dimanche sur le fondement d’une telle autorisation. En cas d’absence d’accord du salarié, une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation ne peut prendre en considération cette circonstance pour refuser de l’embaucher. Le salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation qui refuse de travailler le dimanche ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail. Le refus de travailler le dimanche pour un salarié d’une entreprise bénéficiaire d’une telle autorisation ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.

« À la demande du salarié, il peut être tenu compte de l’évolution de sa situation personnelle.

« Art. L. 3132-25-5. – Les articles L.3132-25 et L. 3132-25-1 ne sont pas applicables aux commerces de détail alimentaire qui bénéficient des dispositions de l’article L. 3132-13. »

« Art. L. 3132-25-6. – Les autorisations prévues à l’article L. 3132-25-1 sont accordées pour cinq ans. Elles sont accordées soit à titre individuel, soit à titre collectif, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, pour des commerces ou services exerçant la même activité. »

III. – Dans le premier alinéa de l’article L. 3132-13 du code du travail, le mot : « midi » est remplacé par les mots : « treize heures ».

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