Le faux recul du Gouvernement sur le travail dominical

Les dessous politique d’un report « sine die » en trompe-l’oeil.

Agoravox – Elisabeth – 16 janvier 2009

A entendre les médias – la presse notamment – mais aussi les partis politiques, qui s’en félicitent comme le PS ou le Modem, ou qui tentent de minimiser la disparition du texte sur le travail dominical, à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale, on pourrait croire que le Gouvernement, ainsi que l’Élysée – qui manœuvre depuis le début pour l’adoption de la proposition de loi Maillé – reculent.

Or il n’en est rien. Cela n’est qu’une illusion optique.

Tout d’abord, on peut noter qu’entre le dernier ordre du jour (celui du 22 décembre 2008) et celui du 06 janvier 2009, il n’y a que de très infimes différences. Le Parlement commence en effet par une une ratification d’ordonnance (sur la filiation) puis il poursuit avec deux textes liés à la crise économique et financière : en premier lieu, une loi de finances rectificative pour 2009 et en deuxième lieu, un projet de loi d’accélération des projets d’investissements et de constructions.

Initialement, il était prévu que l’examen de ces deux textes soient terminés le 12 janvier pour être votés le 13 dans la journée, au pire le soir, dans le cadre d’une séance de nuit rajoutée pour l’occasion. Au final, un jour de plus a été accordé, pour l’analyse de la loi des finances et le projet de loi, ceci pour tenir compte de l’examen des nombreux amendements déposés, tant par « l’opposition » d’ailleurs, que par la « majorité ». Ces reports de vote n’ont rien de surprenant. Cela arrive couramment.

Après ces deux textes, l’ordre du jour prévoit l’examen du projet de loi organique sur le droit d’amendement. Un texte qui subit, actuellement, les foudres du PS, à plus ou moins juste titre. (Voir mon article sur la question) Les parlementaires socialistes, désormais rodés sur la question – et fort de leur relatif succès sur la loi de l’audiovisuel public et sur le travail dominical – ont en effet promis de se battre « comme des chiens » pour se faire entendre – sinon de leurs collègues au moins des citoyens et notamment de la fameuse « opinion publique » – en utilisant, pour ce faire, toutes les techniques diverses et variées, que le Règlement de l’Assemblée Nationale et du Sénat leur donnent.

Le programme de travail du 22 décembre avait prévu le début de l’examen le 13 janvier (déjà décalé d’un jour dans le nouvel ordre du jour) avec possibilité, éventuellement, de commencer le travail dominical dès le jeudi 15 au matin. Si ce projet de loi organique avait été purement technique et n’avait pas suscité l’hostilité du PS, c’était parfaitement jouable.

Mais étant donné les circonstances politiques, c’est intenable.

En effet, à l’Assemblée – et bien que Mme Aubry ne soit pas présente dans l’hémicycle : elle n’est pas parlementaire – les parlementaires PS ont repris du poil de la bête, sous l’égide de Jean Marc Ayrault. (Lequel a tout intérêt à satisfaire l’actuelle direction du PS : il a soutenu Ségolène Royal, et tente désormais de retrouver les bonnes grâces de la direction du PS… Notamment pour éviter de perdre sa place de président du groupe PS à l’Assemblée. (S’il ne le faisait pas, Martine Aubry pourrait lui trouver un remplaçant, qui soit plus dans ses cordes))

Face à une « opposition » renforcée, qui fait tâche d’huile sur ses alliés – traditionnels ou de circonstance – le Gouvernement ne peut compter que sur un groupe UMP mal à l’aise sur la question – peut on demander un temps global au niveau national, pour restreindre le temps de parole des opposants, et exiger au niveau local une plus grande ouverture ? – et des alliés (les membres du NC) pas très enthousiastes…Le « temps global » les touchant, eux aussi.

Au Sénat, les choses sont encore plus ardues. Le NC a aimé être courtisé – et continue à aimer cela – sur l’audiovisuel public. On voit mal pourquoi il n’utiliserait pas son avantage sur d’autres dossiers, en s’appuyant sur l’absence de majorité au Sénat, sans le concours des membres du NC… Mais aussi du Modem.

On comprend mieux la prudence du Gouvernement sur le sujet, et sa décision de rajouter une semaine de débat, ce qui risque d’ailleurs d’être un peu juste, surtout si le NC garde sa position d’arbitre au Sénat.

Comme le texte sur le travail dominical était inscrit après le projet de loi organique, son examen ne pouvait pas commencer avant que l’on ait fini l’examen du projet de loi organique, à moins d’une décision expresse du Gouvernement, annonçant qu’il suspend l’examen du projet de loi organique.

D’où le report « sine die » de l’examen de la proposition de loi sur le travail dominical… Le Gouvernement n’étant pas en mesure de dire, aujourd’hui, si le temps accordé à l’examen de la loi organique sera suffisant pour l’adoption de celle ci.

Le Gouvernement pourrait remettre à plus tard l’examen du projet de loi organique me direz vous… Et faire passer, ainsi, la proposition Maillé devant le Parlement.

Sauf que cela n’est pas possible pour le Gouvernement. En effet, la révision constitutionnelle de juillet 2008 doit entrer en vigueur le 1er mars 2009. Il est donc absolument nécessaire que les lois organiques, qui sont les textes d’application, soient promulguées avant cette date.

Face à deux maux, le Gouvernement choisi donc le moindre. Entre faire sauter le travail dominical et les lois organiques, il a décidé de faire sauter le premier.

Pourquoi ne pas avoir reporté, alors, la proposition Maillé, à une date ultérieure ? Pour des raisons essentiellement politiques… Mais tout de même, en partie, juridiques.

En choisissant, aujourd’hui, une nouvelle date d’examen du texte sur le travail dominical, le Gouvernement aurait pris le risque politique de devoir le reporter à nouveau. « L’opposition », et notamment le PS, n’aurait pas manqué d’user – en réponse à « l’urgence » déclenchée par le Gouvernement, qui a l’évidence ne sait pas travailler autrement qu’en « urgence » – de l’obstruction du texte, par la voie d’amendements et de suspension de séances, pour faire trainer l’examen du projet de loi organique (et on peut penser qu’ils auraient mis les bouchées doubles en la circonstance).

En laissant croire à un recul politique – qui en réalité s’explique par des raisons juridiques et ne constitue qu’un report du texte – le Gouvernement Fillon donne des hochets au PS, au Modem, et en partie au NC… Pour mieux faire passer ses textes organiques…Av
ant le 1er mars 2009. Celles ci ont en effet une importance capitale pour le Gouvernement… (J’y reviendrais dans un prochain article) 
 

La photo vient du site suivant : 
http://karinevillard.over-blog.com/
Merci Karine. 

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