Quatrième version de la proposition Mallié : toujours catastrophique…

La proposition de Monsieur Mallié ne cesse d’évoluer en fonction de différents lobbies. 

Pour éviter la Fronde des départements de l’Est, on les sort du dispositif. Autant de députés de moins à voter contre et à convaincre. 

On promet également aux députés de la ruralité qui ont davantage à craindre en termes électoraux des petits commerçants que des grandes enseignes qu’ils ne seront pas impactés. Déjà, certains déclarent qu’ils sont rassurés. Ils ne devraient pourtant pas l’être. 

Parmi les soixante députés UMP qui ont affirmés fortement leur désaccord sur le terrain des principes, avec des arguments bien trempés, on compte déjà un petit nombre qui les oublient dès lors qu’ils sont exclus du dispositif et qui ont désarmé devant les amicales pressions des promoteurs du texte. 

Pourtant, cette énième version reste, à mon sens, tout aussi catastrophique que la première. 

En voici les raisons…

 

D’abord, l’oubli principal du rapport diffusé par Monsieur le Député Mallié au soutien de sa proposition concerne la convention n°106 de l’OIT dont il n’est jamais fait mention dans le rapport, ni dans les travaux qui l’ont précédé. 

Avant de prétendre modifier le droit existant, encore faudrait-il en définir précisément les contours. Monsieur Mallié n’y est pas parvenu. 

La convention de l’OIT concernant le repos hebdomadaire oblige les états qui l’ont ratifiée – la France l’a fait en 1971 – à instaurer un jour de repos hebdomadaire commun. En France, le dimanche a été choisi car il faisait, au regard de son histoire, consensus parmi les laïcs et les chrétiens majoritaires. 

Si cette convention permet des dérogations, voilà ce que dit le texte, lorsqu’il s’agit, pour un Etat partie d’en instaurer une supplémentaire. 

1. Lorsque la nature du travail, la nature des services fournis par l’établissement, l’importance de la population à desservir ou le nombre des personnes employées ne permettent pas l’application des dispositions de l’article 6 (jour de repos hebdomadaire commun aux salariés établi en fonction de la tradition du pays concerné), des mesures pourront être prises, par l’autorité compétente ou par l’organisme approprié dans chaque pays, pour soumettre, le cas échéant, des catégories déterminées de personnes ou des catégories déterminées d’établissements comprises dans le champ d’application de la présente convention à des régimes spéciaux de repos hebdomadaire, compte tenu de toute considération sociale et économique pertinente. 

Rappelons, pour être complet, qu’une convention de l’OIT est un texte qui prime sur la Loi et qu’il est applicable directement (arrêt de Wee de la Cour de cassation du 1er juillet 2008). 

Le respect de cette convention s’impose ici lors de l’examen de la proposition de Loi en discussion. Elle doit passer à travers ce filtre pour ne pas aboutir à une loi inconventionnelle et dont les juges devraient alors écarter l’application. 

En premier lieu, elle risque de l’être sur la forme, puisque le paragraphe 4 de ce même article oblige à la consultation des organisations syndicales d’employeurs et de salariés. Elle n’a pas été réalisée et les auditions réalisées ne sauraient en tenir lieu au regard de la loi de modernisation du dialogue social. 

C’est la  raison même pour laquelle plutôt que d’avancer sur un projet de Loi qui aurait obligé à la respecter, il a été choisi d’en passer par une proposition de Loi même si elle est soutenue, pour ne pas dire portée, par l’exécutif. Chatel et Bertrand en donneront demain un nouvel exemple. 

Elle le sera également sur le fond puisqu’il faut caractériser en quoi le dispositif actuel ne permet pas le repos dominical. 

La clarification des situations juridiques ne suffit pas. Il est lié au manque de lisibilité dénoncé. Il n’est pas nouveau et essentiellement dû à la qualité des textes qui se sont ajoutés au fil du temps sur un texte limpide. Le dernier texte dû à Madame Debré en est le dernier avatar. 

La « clarification » avancée par Monsieur Mallié pourrait s’opérer en deux sens au regard de la convention : un sens restrictif permettant le respect du principe et un sens libéral permettant de l’éroder tout en prétendant que c’est en multipliant les dérogations qu’on affirme la portée du principe – sophisme intellectuellement exigeant. 

Monsieur Mallié a évidemment fait le choix du second qui est contraire à la convention. Il cherche à rendre la situation encore plus démente. Il suffira ici de le renvoyer aux objectifs qu’il avançait au soutien de sa première proposition. Dénonçant alors la complexité des situations, il en rajoute aujourd’hui une couche… Bel exemple de simplification. 

L’intérêt du consommateur ne peut davantage justifier l’atteinte à l’intérêt du salarié qui résultera de la libéralisation du travail dominical, là où la nécessité n’est nullement avérée. 

Il est déjà suffisamment pris en compte par les différentes dérogations existantes et notamment les 5 dimanche sur décision du Maire (du Préfet à Paris) applicables partout. Les dérogations préfectorales là où l’intérêt des consommateurs préside à la nécessité d’une ouverture dominicale complètent ce dispositif. 

Le rapporteur pervertit également les travaux du Conseil Economique et Social. Au lieu d’en reprendre les conclusions, il n’en reprend que des éléments épars qui, sortis de leur contexte, prennent un nouveau sens. 

Il se fait le soutien de l’implantation des zones à l’extérieur des villes basées sur le modèle d’une consommation de masse facilitée le dimanche :

  • Thiais que le rapporteur connaît pour y avoir récemment été,
  • Cormeilles en Parisis ouvert en juin dernier où le Maire a récemment préféré se prendre pour le gouvernement pour accorder une dérogation qu’il n’entre pas dans ses pouvoirs de prendre
  • ou bien encore, en dernier lieu, le Family Village d’Aubergenville ouvert, au début novembre dernier, qui surfant sur la vague voit ses enseignes ouvrir le dimanche en créant ainsi une nouvelle zone d’attractivité exceptionnelle qui pourra être avalisée demain sans souci de la Loi actuelle. 

Pour comprendre la genèse de l’évolution des zones commerciales, je vous recommande la lecture de cet article sur le lien suivant qui antérieur à nos débats, montre un mouvement prévisible. http://archives.lesechos.fr/archives/2006/LesEchos/19577-225-ECH.htm 

Ainsi, de grandes enseignes choisissent une zone où elles viennent s’implanter en masse autour d’un grand parking. Tout y est fait pour accueillir le consommateur et pour favoriser le commerce de masse en privilégiant une grande durée de présence et pour obliger à une grande ballade dans le centre commercial. Cela favorise un modèle économique où les plus gros captent ainsi la clientèle au détriment des commerces implantés en centre-ville, les vidant peu à peu de leur clientèle à leur seul profit. 

Les consommateurs doivent se déplacer spécialement dans ces zones pour pouvoir acheter alors qu’elles sont en dehors de leur périmètre de vie. 

Cette forme de consommation, connue dans d’autres pays depuis longtemps, ajoute au trafic routier en créant un véritable entonnoir à consommateurs. 

S’il est parfaitement accessible dans la semaine, puisque plus personne ne s’y rend, que le centre
commercial reste à l’écart de tout passage et de la vie de la Cité, il favorise ainsi une consommation durant les samedi et dimanche dont on peut très bien se passer lorsqu’on a le souci d’une cohérence d’aménagement du territoire. 

L’enjeu économique mis en avant par Monsieur Mallié dans son rapport concerne en réalité les risques encourus par les sociétés qui violent la Loi compte tenu des « incertitudes affectant leurs situation juridique » (sic). 

Il s’agit en réalité de sociétés qui violent la Loi. Il n’y a aucune incertitude et la lecture des décisions de justice le démontre. 

Aucune des sociétés qui ont été poursuivies, tant dans l’ameublement que dans le bricolage, ne disposait de la moindre dérogation, même si pour certaines d’entre elles, elles en ont obtenu après leur condamnation ou durant le cours des procédures. 

Les dérogations accordées qui ont été attaquées ont toutes été annulées parce qu’elles ne remplissaient pas les conditions du texte ou retirées par les Maires avant que n’intervienne la décision judiciaire. 

Cela démontre la bienveillance de l’autorité administrative face à l’illégalité d’une situation. 

L’obstacle au développement mis en avant ne correspond aucunement à la réalité. 

La multiplication des zones commerciales ces dernières années le prouve, notamment à proximité des grandes agglomérations. Il n’est qu’à voir les nombreuses ouvertures d’enseignes de bricolage ou d’ameublement dont les ouvertures ont pourtant été décidées avant la Loi Chatel de janvier dernier. 

L’absence d’étude globale des effets économiques est certaine. 

Le rapporteur cite pour la première fois ses sources. Il se fonde, pour valider son raisonnement, sur des études « empiriques » sectorielles évoquées par le CES alors que justement, ce dernier souhaitait disposer d’éléments d’analyse économique plus fiables avant d’envisager de modifier la Loi devant l’impact sociétal qui lui a été parfaitement avéré au cours de ses auditions. 

Ces études empiriques sont non seulement depuis démenties par des études sectorielles plus précises et étayées, celles de l’OFCE et celle du CREDOC en dernier lieu, mais elles ne prennent en compte ni les effets du déplacement de clientèle généré sur les petits commerces, ni les impacts de ce mode de vie nouveau induit sur le secteur non marchand qui fonctionne traditionnellement le dimanche (milieu associatif et les spectacles par exemple). On en sait pourtant toute la fragilité. 

La fameuse demande étrangère qui devrait faire retourner la France vers un pays sans autre valeur que celle du profit ne saurait en tout état de cause justifier l’ouverture de commerces qui ne sont nullement fréquentés par cette population touristique de passage. 

Quel est le touriste assez imbécile qui viendrait acheter son canapé dans un commerce déjà présent également dans son pays ? C’est sûr que dans l’avion, il pourrait sûrement le mettre avec ses bagages à main. 

Le régime du contentieux comme source d’incertitude est là encore mal réglé par le rapporteur. 

Ce que propose le rapporteur, c’est qu’une fois la dérogation accordée, elle ne puisse faire l’objet d’un recours suspensif de plein droit. Que se passera t-il alors, en cas d’annulation, trois ans après ? 

La seule manière de faire cela proprement aurait été de proposer qu’une dérogation ne puisse entrer en vigueur qu’à l’issue du délai de recours et, en cas de contentieux, à la date à laquelle le juge aura statué, quitte à prévoir une procédure courte. La dérogation prendrait alors effet à l’issue dans une sécurité juridique totale. 

Le risque ne serait pas transféré au contribuable comme dans le cas souhaité par Monsieur Mallié. 

L’utilisation du consommateur et des sondages d’opinion par le rapporteur pour parvenir à prétendre que les consommateurs sont favorables à l’ouverture du commerce le dimanche a été largement dénoncée comme une forme  de trompe l’œil. 

Pour faire simple, la demande est avérée à condition de ne pas devoir en être la victime. Cette schizophrénie est bien compréhensible lorsque le consommateur se rappelle qu’il est lui-même salarié et que de devant la caisse aujourd’hui, il pourrait bien passer à son tour derrière demain. 

La demande est localisée. De quelle demande s’agit-il puisque le rapporteur la lie immédiatement au tourisme de masse ? 

Il entretien alors une confusion entre les zones touristiques et les zones d’attractivité exceptionnelle où sont regroupés des enseignes qui ne constituent nullement l’objectif de la visite des touristes. 

Lorsque le rapporteur évoque la situation en région parisienne, il la caractérise par les temps de transport, la jeunesse de sa population et la présence de cadres.  

Visiblement, il ignore que c’est également celle où le nombre de mètres carrés de surface commerciale par habitant est aussi la plus importante, et de loin, et que n’importe lequel de ses habitants trouve, à moins de sept minutes de son domicile, un commerce lui permettant d’assouvir sa frénésie consumériste. 

Et le Corrézien alors, combien de temps met-il pour trouver un IKEA et combien de kilomètres devra t-il faire pour cela ? Comment fait il pour s’en sortir ? Est-ce un barbare ? N’a-t-il ni table, ni chaise ? La réponse vient d’être donné par les commerçants de l’ameublement de Corrèze qui ont gentiment censuré la Loi Chatel en limitant à quatre les ouvertures permises par an… Un pied de nez ou la réponse du berger à la bergère qui s’était servi d’un accord corrézien étendu pour prétendre à l’impossible. 

Monsieur Mallié oublie également que l’Ile de France est la région où le haut débit et la consommation par internet est déjà la plus forte, alors même que les commerces sont (faut il le lui rappeler ?) déjà ouverts le dimanche dans l’illégalité. 

Ils n’ont jamais fermé, y compris lorsque l’autorité administrative leur a refusé une dérogation et pas davantage lorsqu’ils y ont été condamnés, sauf lorsque les astreintes ont rendu économiquement injustifiée cette ouverture, après de nombreux mois… avant de rouvrir grâce à des dérogations préfectorales, voire municipales, sitôt les journalistes passés à autre chose. 

Plus, le traitement spécifique et la création d’une dérogation territoriale propre à certaines zones préconisé par Monsieur Mallié est juridiquement et économiquement impossible. 

Le mieux est ici de citer le Conseil d’Etat du 17 janvier 1997 : 

« Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que des dérogations à la règle du repos des salariés le dimanche avaient été accordées, pour une durée de trois ans, au profit des magasins « Conforama » et « Darty », de Bondy, et « Cuir Center », de Pavillons-sous-Bois ; que, eu égard à l’importance du chiffre d’affaires réalisé le dimanche par ces magasins situés sur le territoire des communes limitrophes d’Aulnay-sous-Bois et au fait qu’ils proposent des produits concurrents de ceux du magasin « But », la fermeture de ce dernier le dimanche risquait d’entraîner d’importants détournements de clientèle à son détriment, de nature à compromettre son fonctionnement normal ; que, dès lors, le premier motif retenu par le préfet de la Seine-Saint-Denis est fondé sur une inexacte appréciation des circonstances de l’espèce. » 

Ce qu’affirme ici le Conseil d’Etat, c’est que lorsqu’une société est placée dans une situation de concurrence déloyale, l’Etat doit assure
r l’égalité de traitement et faire bénéficier d’une dérogation tous ceux qui risqueraient autrement d’en souffrir, au nom de l’égalité de concurrence. 

C’est cette même motivation qui a été utilisée par le Préfet du Val d’Oise pour accorder aux enseignes du bricolage le bénéfice d’une dérogation au motif que la Loi Chatel qui ne concerne pourtant que l’ameublement risquait de leur faire perdre de la clientèle. 

Pourtant, les débats parlementaires et le travail de la commission avaient exclu expressément du bénéfice de cette dérogation le bricolage. Qu’est-ce à dire ? Que le Préfet, représentant de l’exécutif, se contrefiche du Parlement où qu’il ne fait qu’appliquer la réglementation… 

Que valent aujourd’hui les promesses de Monsieur Mallié au regard de cette réalité du terrain ? Sans doute pas davantage que celle de Monsieur Chatel et de Madame Debré de corriger au Printemps dernier leur erreur concernant l’ameublement et les contreparties promises au salarié qui ont disparu. 

Je prends un exemple pour bien me faire comprendre : 

Il est prévu l’implantation d’un énorme centre commercial sur la zone aéroportuaire de Roissy baptisé « Aéroville ». Il s’agit de 50.000 m2 de surface commerciale supplémentaire, avec un bâtiment Haute Qualité Environnementale, conçu par un architecte présenté comme un concept nouveau. 

Il va s’ajouter aux deux centre commerciaux PARINOR 1 et 2 déjà existants qui, sur plus de 70.000 m2, drainent déjà dans leur zone de chalandise, plus de 1,4 millions d’habitant des 4 départements alentours, d’après les études d’impact menées par les communes riveraines. 

Le nouveau site prévoit une attraction de la clientèle située à 150 kilomètres de son implantation, autour d’un nouveau concept « de drive inédit permettant, après avoir  préalablement passé commande sur internet, de  venir récupérer ses courses en quelques minutes, sans quitter son  véhicule et à toute heure de la journée. » 

Pour être pérenne, il est également basé sur une zone de chalandise de plus d’un million d’habitants et je suis certain que ces promoteurs ont bien calculé leur affaire. 

Cela signifie que tout le commerce existant situé dans ce périmètre va être touché par cette ouverture, que ces effets ne vont pas cesser à la frontière de l’Oise au Nord, cmme le nuage de tchernobyl. 

Les enseignes situés dans cette zone devront toutes, pour survivre, demander à bénéficier d’une dérogation pour ouvrir le dimanche afin de résister à ce nouveau rouleau compresseur situé en pleine zone aéroportuaire et donc tourstique. 

C’est la raison même de son implantation. 

C’est une nouvelle forme de délocalisation sociale au coeur même du territoire français qui ne fera que s’accentuer demain. Les petits commerçants ne pourront même plus payer les loyers commerciaux. 

Les commerces plus petits qui seront situés aux alentours des commerces concernés qui auront demandé une dérogation et qui obéissent à une véritable exigence sociale, celle d’assurer la proximité avec la population locale à desservir, devront demander à leur tour à bénéficier d’une dérogation en utilisant le même argument, pour ne pas voir la clientèle partir ailleurs. 

Cela va fonctionner comme les cercles formés par les ondes lorsque l’on jette ainsi un pavé dans une mare tranquille. 

Ce que Monsieur Mallié propose en réalité, c’est un papier buvard où goutte à goutte, comme une peste, la dérogation pourtant exceptionnelle et territoriale va se répandre, devenir la norme et écraser tout sur son passage, ce qu’un « ami du dimanche » a appelé un cheval de Troie (Cela me rappelle Giraudoux qui avait titré « la guerre de Troie n’aura pas lieu ». Si cette bataille là n’est pourtant pas menée, les conséquences seront sans doute dramatiques). 

Je passe encore sur les achats réputés « familiaux » ou les achats « de réflexion » mis en relief par les études des agences chargées de scruter les comportements des consommateurs. Ces mêmes études démontrent que le temps moyen de la décision en famille avoisine les trois mois pour un meuble important. 

Comment laisser croire que sur cette durée de trois mois, le consommateur ne pourra se rendre que le dimanche effectuer son achat ou que les dérogations, déjà au nombre de cinq par an (1,25 par trimestre) ne lui permettront pas de le faire s’il y était tenu par on ne sait quel impératif ?  

Les 35 heures de travail, même en y ajoutant les heures de transport, permettent pourtant largement au consommateur de pouvoir se rendre dans un magasin déjà ouvert entre 60 et 70 heures par semaine… 

La durée moyenne des congés a augmenté alors que les périodes de vacances en dehors du domicile ont reculé, au profit des loisirs et des activités effectuées à proximité du domicile. 

Le désoeuvrement de certain le dimanche ne doit pas davantage aboutir à la contrainte des salariés condamnés à lui fournir un dérivatif. Pourquoi ne pas favoriser d’autres activités sociales si l’objectif est de sortir certaines personnes de leur isolement ? cela créerait de l’emploi et du lien social. 

L’étude de la consommation sur internet démontre encore que la consommation dominicale est déjà largement possible sans aboutir au travail dominical. 

Il faut rappeler au rapporteur et à ses pairs que l’e-commerce et la vente à distance génèrent des emplois (rappelez vous les salariés de la CAMIF récemment mis sur le carreau), qu’il est principalement détenu par les groupes qui vont pouvoir bénéficier de l’ouverture dominicale  et que la part des petits commerces dans le commerce électronique est insignifiante. 

Si les attentes de certains salariés doivent être entendues selon le rapporteur, celles de la majorité des autres ne l’est pas. Plus, aucun ne l’est plus lorsqu’il s’agit des contreparties à accorder et sur le doublement des salaires. 

Si l’INSEE donne des chiffres sur le travail dominical, elle ne traduit pas les réalités qui vont avec. 

L’INSEE ne fait notamment aucune distinction entre le travail occasionnel et le travail habituel, le travail légal et le travail illicite. 

Sur les 7,4 millions de salariés qui travaillent le dimanche figurent tous ceux qui obéissent aux dérogations permanentes existantes, ceux qui travaillent cinq dimanche par an et ceux qui sont amenés, comme en Corrèze dans l’ameublement, à ne travailler qu’un seul dimanche par an. 

Faut-il généraliser ce qui n’est qu’exceptionnel et traité comme tel ? La convention de l’OIT l’interdit. 

Quant à l’usage des sondages du JDD où de celui de BVA, il n’est pas complet, le rapporteur préférant n’en tirer que des éléments partiels quitte à en dénaturer le sens. 

Il est également dommage que le rapporteur fasse état du phénomène lié au travail étudiant sans s’attarder sur ses corollaires et ses effets énumérés dans le rapport du Conseil Economique et Social qu’il cite.  

Ne cesse de décroître la part des étudiants issus des classes sociales les plus pauvres. Permettre le travail étudiant et le réserver ainsi aux plus pauvres au lieu de leur venir en aide est-il digne de notre société ? Voilà un enjeu de débat pour Monsieur Mallié s’il veut s’en saisir. 

Lorsque le rapporteur cite le rapport du CES en reprenant que la donnée du travail des étudiants est significative « compte tenu des difficultés matérielles à concilier, de fait, deux emplois du temps » il ne
retient que la notion de conciliation de leurs emplois du temps sans vouloir traiter les difficultés matérielles qui sont pourtant précisément dénoncées par ce rapport. 

Parce que des étudiant(e)s en sont aujourd’hui réduit(e)s à la prostitution pour payer leurs études, faudrait-il aussi légaliser ce phénomène plutôt que le résoudre ? Faut-il toujours ajouter à la précarité et rendre pérenne un obstacle à ceux déjà existants. 

L’analyse du dispositif ensuite proposé démontre que Monsieur Mallié a entendu résorber les situations illicites au profit de ceux qui violent la Loi, ce qu’il appelle pourtant lui-même l’ordre public social… 

Le nouveau concept de zone d’attractivité exceptionnelle consacre ainsi les centres commerciaux existants qui ont violé la règle depuis parfois plusieurs années, sans que les condamnations, trop maigres pour être réellement efficaces, n’aient changé un état de fait. 

L’intérêt économique a primé sur l’ordre social, souvent avec la tolérance inouïe de l’administration qui a préférer fermer les yeux, là même où le simple défaut de port de casque chez un jeune va entraîner une course poursuite avec la police. C’est sûr que le message de la tolérance zéro ou de l’état de droit a alors du mal à passer auprès des jeunes. 

Les garanties nouvelles promises sont autant de leurres que celles promises par Madame Debré et Monsieur Chatel au Parlement en leur temps. 

La notion de volontariat comme garantie est battue en brèche par la réalité. 

L’offre d’emploi de la librairie du Grand Cercle est exemplaire. Je rappelle que cette société a fait paraître une offre d’emploi précisant que le candidat à un poste de vendeur conseil devra être volontaire pour travailler le dimanche. Evidemment, sitôt qu’elle a été dénoncée, l’offre a été rectifiée et a fait disparaître du texte la condition. 

Maintenant qu’elle l’a été, comment assurer que le volontariat ne pèsera pas dans la balance au moment du choix du salarié qui sera finalement recruté.

L’enseigne a cru s’en tirer par une pirouette en affirmant lors de la dernière audience que c’est le salarié qui l’a mise en ligne qui a commis une erreur et qu’il serait naturellement convoqué pou en répondre. Pourtant, c’est cette même enseigne qui met déjà dans ces contrats que le salarié est volontaire pour travailler le dimanche… 

Comment pourra t-on demain l’empêcher de faire ce qu’elle fait depuis toujours avec le dispositif Mallié qui est censé interdire ce critère à l’embauche ou lors de la promotion, comme sont déjà aujourd’hui interdites d’autres formes de discrimination qui n’ont jamais pourtant été aussi florissantes ? 

Par ailleurs, a eu lieu un nouveau glissement plus patelin mais très dangereux dans cette dernière version du texte qui traduit la défiance à l’encontre des partenaires sociaux qui ont fait montre de leur refus de cette régression sociale. 

Là où existaient des représentants du personnel, jusqu’à présent, la proposition de Monsieur Mallié en passait par eux, en prévoyant la nécessité d’un accord collectif. Ce n’est qu’à défaut de représentants du personnel qu’il pouvait y avoir recours à référendum. 

Ce système était fondé sur la vertu puisqu’il obligeait l’employeur à un débat avec les organisations syndicales. 

Maintenant, dès lors qu’aucun accord collectif n’existera, même s’il n’a jamais été discuté, l’employeur pourra sur sa seule décision unilatérale, quelle que soit la taille ou l’importance de l’entreprise, soumettre par le biais d’un référendum aux salariés la question du travail du dimanche. 

Les syndicats auraient pu, par exemple, conditionner leur consentement à des garanties pour les salariés, imposer un nombre de dimanche de repos minimum par salarié, prévoir de vraies contreparties, vérifier le roulement, prévoir la vérification d’un dispositif d’insertion, conditionner l’accord à des créations d’emploi, des accords sur les salaires, ou autres. 

Ils seront demain possiblement écartés sur le simple constat par l’employeur qu’aucun accord n’est possible, y compris lorsqu’il l’aura fait échouer ou même n’aura pas mis en œuvre la discussion. 

L’employeur pourra alors en arriver, malgré l’opposition des représentants du personnel, à ses fins par le biais d’un référendum où il est le maître des propositions soumises aux salariés qui ont apporté la preuve qu’ils ne voient pas plus loin que leur bulletin de salaire tellement les temps leur sont durs. 

L’un des rares amendements du groupe SRC à avoir été adopté en commission, on comprend mieux pourquoi, n’a pas corrigé cette erreur par sa formulation puisque les termes utilisés « à défaut d’accord collectif » ne modifient pas la donne sur ce point faute de clarté même si je ne doute pas un instant de la bonne foi de son auteur.

Il faudrait au minimum prévoir que seul un accord collectif pourrait permettre de déroger au repos dominical, soit au niveau de la branche, ce qui obligera la négociation, soit au niveau de l’entreprise avec les représentants syndicaux. 

Cela constituerait un véritable argument permettant d’obliger les entreprises à mettre en œuvre les règles propres à assurer et à promouvoir la démocratie sociale en leur sein. 

Le référendum ne serait alors réservé qu’aux entreprises non soumises à l’obligation de disposer de représentants du personnel, c’est-à-dire celles qui disposent de moins de dix salariés. 

Autrement, comment le dispositif souhaité par le rapporteur peut-il permettre aux organisations syndicales ou à défaut, aux représentants du personnel, de négocier lorsqu’il pourra être aussi facilement passé outre à leur consentement ? 

L’amendement Debré en a été la meilleure démonstration. Maintenant que les entreprises de l’ameublement ne sont tenues par aucune obligation et qu’elles peuvent obliger un salarié à travailler le dimanche sans majoration, quelle est la nécessité pour elle de disposer d’un accord collectif qui serait plus contraignant que la liberté totale que leur a accordé le Parlement. 

Le dispositif mis en œuvre par cette proposition est une nouvelle atteinte au syndicalisme. Il va bien au-delà de ce texte. La réforme de la représentativité a été avancée pour permettre l’expression d’un dialogue social souhaité par tous. 

On voit bien qu’en réalité, il est clairement entravé, à tous les niveaux. 

Ici, le gouvernement a éludé la consultation par le passage d’une proposition de Loi là ou un projet de Loi aurait obligé à un résultat différent de celui souhaité par le biais des partenaires sociaux, tant l’opposition est grande a sein des organisations syndicales d’employeurs comme de salariés. Le gouvernement a écorné au passage la convention de l’OIT qui est pourtant revenue telle un boomerang contre le CPE, il n’y a pas si longtemps que cela. 

Le projet élude à son tour le rôle des partenaires sociaux. 

Monsieur Mallié a pourtant prétendu vouloir que les organisations syndicales soient les garants du respect du volontariat qu’il sait ne pouvoir garantir. 

85% des cadres interrogés pensent que ce volontariat est un leurre. Ils sont les mieux placés pour en juger. 

C’est dire ce que sera demain la réalité du terrain puisque les syndicats sont exclus des débats et ne pourront exercer aucun contrôle. 

Quant aux salariés qui travaillent déjà le dimanche, la proposition de Loi Mallié leur dit clairement que leur dimanche vaut moins que celui du salarié qui sera volontaire demain.&n
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Celui qui est contraint, parce que son activité est jugée essentielle le dimanche à l’activité plutôt qu’à se reposer en même temps que sa famille et ses amis se voit asséner que celui qui sera volontaire dans des secteurs moins vitaux gagnera plus que lui… Là où la démocratie sociale est déjà atteinte, le principe d’égalité en prend encore un bon coup. 

Autre point incroyable du texte qui traduit bien un certain mépris pour la réalité. Une enseigne qui demandera une dérogation en bénéficiera implicitement après quatre mois de silence de l’administration.

Comment un syndicat pourra t-il contrôler ce mécanisme dès lors que rien ne permettra plus de savoir si une entreprise bénéficie ou non d’une dérogation en bonne et due forme ? 

La publication ne peut en effet concerner une décision virtuelle et cette décision ne pourra être attaquée faute d’être connue. 

Décidément, plus on avance, moins le texte ne traduit de cohérence, tant les coups qui lui ont été portés en ont coupé les branches. 

Le débat parlementaire promet d’être particulièrement intéressant à cet égard tant les contradictions sont grandes.

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