Parlement : après l'unité anticrise, des tensions avec l'Elysée

Les Echos, 23/12/08 – cliché SIPA

Le Parlement a suspendu hier ses travaux jusqu’au 6 janvier. Unis derrière le chef de l’Etat pour répondre à la crise, les députés UMP ont engagé un véritable bras de fer sur le travail dominical. Les élus socialistes ont fait preuve d’une combativité accrue.

Ils étaient pressés de se quitter ; leurs retrouvailles ne seront pas forcément simples. Alors que le chef de l’Etat s’est envolé dimanche soir pour le Brésil, députés et sénateurs ont clos hier leurs travaux en adoptant définitivement le collectif budgétaire 2008. La trêve des fêtes suspend une session parlementaire marquée, ces dernières semaines, par des tensions entre Nicolas Sarkozy et sa majorité, le tout sous les coups de boutoir de l’opposition.

« Tout parlementaire est par nature toujours frustré », lâchait, il y a peu, un conseiller de l’Elysée. Cet automne, les élus de la majorité ont contenu leurs « frustrations » tant qu’il s’est agi de soutenir l’exécutif face à la crise. Les libéraux de l’UMP ont voté le RSA et accepté un nouvel interventionnisme de l’Etat pour sauver les banques. Encore attachés, début octobre, au respect des critères du Pacte de stabilité, l’ensemble des élus de la majorité se sont finalement inclinés devant la hausse annoncée des déficits publics. Y compris les parlementaires du Nouveau Centre, qui avaient fait de leur baisse une « priorité ».La crise a justifié toutes les interventions, toutes les dépenses et toutes les urgences…

Divisions, méfiance, fatigue

Mais dès que le chef de l’Etat s’est écarté des mesures dictées par la tourmente internationale, le climat a changé. Nicolas Sarkozy a été mis en échec sur deux textes auxquels il tenait personnellement : le travail dominical et la réforme de l’audiovisuel public. Après leur calamiteux congrès de Reims, les députés PS voulaient restaurer leur image et prouver leur combativité : ils ont usé de toutes les armes procédurales et ont empêché l’adoption définitive par le Parlement de la réforme de l’audiovisuel public, symbole, selon eux, d’une « berlusconisation » de la télévision. Lorsqu’au terme de trois semaines de débats, le texte a été adopté par la seule Assemblée, des voix UMP ont fait défaut et, pour la première fois, les députés du Nouveau Centre se sont majoritairement opposés à un projet de loi (dix contre, six pour, quatre abstentions).

Bien sûr, chaque parti a son agenda propre (le Nouveau Centre veut pouvoir exister pour résister à la concurrence de Bayrou aux européennes). S’agissant de l’UMP, le gouvernement relativise la fronde d’une « minorité » et préfère accuser l’opposition de tous les « blocages ». C’est oublier que, depuis un an et demi, la majorité renâcle régulièrement (OGM, le rapport Attali, carte judiciaire…). En toute fin d’année, les députés UMP sont à la fois parvenus à vider de son contenu le texte sur le travail dominical et à précipiter, faute d’effectifs suffisants dans l’Hémicycle, un ajournement des débats. De multiples raisons expliquent ces réticences : les divisions internes aux groupes parlementaires « pas au clair sur le sujet de société », dixit le chef de file des députés, Jean-François Copé ; la méfiance d’élus qui assistent au recul de leur camp à chaque échéance électorale ou encore la fatigue face aux multiples annonces du chef de l’Etat. « Il est indispensable et urgent de mieux définir les priorités. La priorité c’est la crise », souligne Hervé Mariton. « On a complètement cannibalisé notre plan de relance avec le travail du dimanche. Cela a un nom : cela s’appelle l’entêtement », lâchait récemment un responsable de la majorité. Sauf que l’agenda de janvier à l’Assemblée et au Sénat s’annonce déjà particulièrement chargé.

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