Michel Edouard Leclerc : le projet Mallié n'est pas le mien

Famille Chrétienne 4/12/08

« Ouvrir le dimanche n’est pas rentable » 

Michel-Edouard Leclerc, 56 ans, dirigeant des centres E. Leclerc, n°1 de la grande distribution en France, qui emploie plus de 100 000 personnes. 

Que pensez-vous du projet du gouvernement d’étendre le travail du dimanche à un certain nombre de zones commerciales pour les villes de plus d’un million d’habitants ? 

« Je vous le dis tout de suite, ce projet n’est pas le mien ! Pour la simple et bonne raison que je n’y suis pas favorable… Autant, je trouve que c’est une ineptie que certaines zones touristiques exceptionnelles, comme les Champs-Elysées, ne soient pas ouvertes le dimanche, autant je ne vois pas l’intérêt pour les grandes surfaces. Que l’on fasse en sorte que les touristes puissent consommer autant qu’ils le veulent, je suis tout à faire d’accord – et ce particulièrement en période de crise – mais que l’on aille vers une généralisation de l’ouverture des magasins le dimanche je suis contre, car ce ne serait pas rentable. 

« Pas rentable », dites-vous ? C’est pourtant le principal argument du gouvernement ? 

Si les magasins Leclerc ouvraient le dimanche, nous ferions globalement le même chiffre d’affaires mais sur sept jours au lieu de six… Soit un chiffre d’affaires inférieur si on le rapporte aux nombres de jours travaillés. Et ce d’autant plus qu’il faudrait ajouter : l’augmentation des charges – les salaires du dimanche payés double plus une journée de récupération – et la diminution de la productivité de nos magasins au mètre carré – le rapport entre le chiffre d’affaires et le nombre de mètres carrés du magasin étant à diviser par sept et non plus par six. Or, qui dit des charges plus élevées pour l’entreprise dit évidemment des répercussions sur les prix. Ainsi, s’ils l’ouvraient nos magasins le dimanche, c’est les consommateurs qui serait au final pénalisés ! 

Le gouvernement estime pourtant qu’il existe une « consommation du dimanche » ? 

Pas dans les grandes surfaces. La « consommation du dimanche » concerne les  magasins spécialisés, comme les magasins d’ameublements ou de jardinage. C’est d’ailleurs eux qui ont poussé à l’ouverture du dimanche ! Car ces magasins qui ouvrent déjà depuis des années et il faudrait légalisation leurs situations. Si les nos magasins ouvraient le dimanche évidemment certains y trouveraient leur compte, tant du côté des salariés (étudiants ou salariés à temps partiels) que des consommateurs. Mais sans augmentation du chiffre d’affaire ce n’est pas intéressant. 

Vos employés demandent-ils à pouvoir travailler le dimanche ? 

Non, la plupart de nos salariés ne sont pas du tout demandeurs. Et ce d’autant plus que dans les magasins Leclerc, ils touchent 25% du bénéfice avant impôt de l’entreprise sous forme de participation ou de gratification. Or, si le chiffre d’affaires, à cause de l’ouverture du dimanche, venait à baisser, les salariés feraient moins de profit…J’observe aussi que nos chefs d’entreprises ne sont pas non plus demandeurs. 

En tant que dirigeant d’une grande entreprise française, pensez-vous que les salariés aient besoin d’un jour de repos commun ? 

En Angleterre les pubs ferment à une certaine heure et que le dimanche, sauf dans certains quartiers de grandes villes, comme Londres, les magasins sont fermés. De même, en Allemagne, où les  magasins ferment plus tôt et ne sont pas ouvert le dimanche. Le travail du dimanche, plus qu’une question économique, est une question de société. Et si les grands magasins et zones commerciales sont devenus les temples de la consommation, c’est peut-être que nous n’avons pas assez développés les activités associatives ou culturelles. Si les gens n’ont pas d’autres centres d’intérêts le dimanche que d’aller faire des courses, ce n’est pas les magasins qu’il faut remettre en cause. Propos recueillis par EP.

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