Les "soufflantes" de l'Elysée

Le JDD – 21/12/08


Nicolas Sarkozy en grande conversation avec Nadine Morano, Fadela Amara et MAM. (Bassignac et Turpin/Le JDD)

Blocage à l’Assemblée sur le travail dominical, refus de la secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme, Rama Yade, d’être candidate aux élections européennes de juin prochain, petites phrases de Bernard Kouchner, Christian Estrosi ou Nadine Morano… le président de la République est mécontent de certains de ses ministres et avec les élus UMP, le torchon brûle.

Aéroport de Roissy, samedi après-midi. Alors qu’il est sur le point d’embarquer avec femme et enfants pour une semaine de vacances, un ministre croise un député UMP. Le reconnaissant, le parlementaire lui lance, hilare: « Alors, il paraît que vous vous êtes pris une soufflante? » « T’inquiète, vous en avez pris pour votre grade, vous aussi ! Allez, joyeux Noël! » L’échange donne une idée du climat tendu, en cette fin d’année, entre le Président et sa majorité. La maison UMP brûle, et plus personne ne sait comment arrêter le feu, il a pris vite et de tous côtés. 

Une « question de principe » 

Premier foyer: le texte sur le travail du dimanche. Imposée par l’Elysée – invoquant un « engagement de campagne« , il en fait une « question de principe » -, la très controversée proposition de loi Mallié, plusieurs fois repoussée, est arrivée mercredi soir dans l’hémicycle. In extremis : la session parlementaire, qui en a déjà laissé beaucoup sur le flanc, s’achève dans quelques heures. Excédés d’être « pris en otages« , les députés de la majorité, déjà divisés, se font rares. Certains traînent dans les couloirs, d’autres ont carrément pris le chemin de leur circonscription où les attendent crèches et arbres de Noël. En face, une gauche déterminée à en découdre et à utiliser toutes les ressources de la procédure pour entraver les débats. Dans la nuit, le vote de la motion d’irrecevabilité se profile et chaque minute qui passe rend son rejet plus incertain. 

Inquiet, Jean-François Copé fait et refait ses comptes et décide, peu avant minuit, d’interrompre la séance. Fureur de Nicolas Sarkozy, le jeudi matin, à l’issue d’un petit déjeuner houleux, il exige que les débats reprennent dès l’après-midi. Le président du groupe UMP tente de battre le rappel. Rien n’y fait. Contraint de battre en retraite, il fixe la reprise des débats au 15 janvier. Une retraite en rase campagne qui met en rage le chef de l’Etat, en déplacement dans les Vosges. 

Le second clash se produit vendredi matin. Exaspéré par le refus de sa secrétaire d’Etat aux Droits de l’homme, Rama Yade, d’être candidate aux élections européennes de juin prochain, Nicolas Sarkozy l’est encore plus par les « petites phrases » et les « chamailleries » de plusieurs de ses ministres – Bernard Kouchner, Christian Estrosi, Nadine Morano – qui se succèdent pour fustiger la rebelle. De quoi accentuer encore, selon lui, le décalage avec les Français, touchés de plein fouet par la crise. « Il y a beaucoup de souffrance dans le pays. Ces algarades sont gênantes et ridicules. A l’avenir, je n’accepterai plus aucun état d’âme« , jette, glacial, le Président avant d’évoquer, au moment de prendre congé de son gouvernement, les « mouvements ministériels » de l’hiver ou du printemps. 

Comme souvent avec Sarkozy, il y a loin de la menace à la réalité. Le conseil national de l’UMP du 24 janvier pourrait n’accoucher que d’une souris. Brice Hortefeux devrait, comme prévu, reprendre le portefeuille de Xavier Bertrand (Travail, Relations sociales, Solidarité), devenu le 8 décembre secrétaire général de l’UMP. L’ex-socialiste Eric Besson, appelé à occuper une responsabilité à l’UMP – il est question d’un poste de secrétaire national adjoint -, pourrait également succéder à Hortefeux à l’Immigration. 

Un grand remaniement avant les européennes?

Sur la sellette depuis des semaines, Michèle Alliot-Marie (Intérieur), Rachida Dati (Justice), Christine Albanel (Culture) et même Rama Yade semblent assurées de conserver leur poste. Au moins jusqu’au grand remaniement, avant ou après les européennes. 

Quant aux députés, qui reviendront à l’Assemblée le 6 janvier, rien ne dit qu’ils auront encore à se frotter au texte sur l’ouverture dominicale des magasins. Plusieurs voix dans la majorité ont déjà suggéré au chef de l’Etat de l’ajourner, au profit du projet de loi sur le plan de relance (adopté vendredi en Conseil des ministres) et de la loi « logement« , pour nombre de députés « nettement plus en phase » avec l’actualité. « Le travail du dimanche divise l’UMP. Il n’y aura pas plus de majorité en janvier qu’il n’y en avait en décembre. Sarko gagnerait à temporiser« , commente un poids lourd. Mais samedi, le président, qui s’est envolé vers le Brésil pour un voyage mi-officiel, mi-privé, jusqu’au 30 décembre, n’y semblait guère disposé. 

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