G Filoche (Insp Travail) : le « volontariat » n’existe pas en droit du travail

Faire travailler des femmes pauvres et précaires le dimanche ?

Siné Hebdo n°7, 8 décembre 2008

Xavier Bertrand et Luc Chatel prônent la suppression du principe de repos dominical, et soumettent aux députés la proposition de loi Mallié qui vise à remplacer la civilisation du loisir par la civilisation du caddie. Sarkozy, pour mieux déréglementer la durée du travail, s’attaque maintenant à nos dimanches.

C’est une forme de vandalisme social que de vouloir casser le repos dominical : celui-ci, collectif, est structurant socialement, tant pour la famille que la vie citoyenne, les loisirs, la vie associative, culturelle, sportive, etc. Le progrès véritable serait d’imposer deux jours de repos hebdomadaires pour tous. Pas de supprimer le seul qui existe.

Certes, dans les secteurs de la santé, des transports, de certaines industries à feu continu et commerces précis (alimentation), des activités culturelles, le travail du dimanche s’impose. Mais la volonté doit être de limiter et non d’étendre ces cas. Pourquoi achèterait-on des fringues, des meubles ou autres produits non urgents le dimanche alors qu’on pourrait le faire le vendredi ou le lundi si les durées du travail réelles se rapprochaient vraiment des 35 h ?

Ce seront des femmes pauvres et précaires qui finiront par travailler le dimanche. En aucun cas il ne s’agira de « volontaires ». On nous raconte des craques : le « volontariat » n’existe pas en droit du travail : seul le patron décide, jamais le salarié qui est « subordonné ».

Certains patrons ouvrent déjà, dit-on. Mais ce sont des contrevenants ! Sur environ 700 000 commerces, il y aurait 22 000 ouvertures autorisées, et quelques milliers de plus en fraude. Ceux-ci ne peuvent se prévaloir de leur turpitude et doivent être sanctionnés. Actuellement 5 % des Français travaillent régulièrement le dimanche, et 20 % épisodiquement. Le système actuel oscille de façon équilibrée entre fermeté (interdiction) et souplesse (dérogations contrôlées).

L’offensive de la droite pour forcer au travail le dimanche s’appuie sur des « promesses » de compensation salariale. Certes, les salaires sont beaucoup trop bas et il faut les augmenter : mais pas en dégradant les conditions de repos.

Ceux des salariés qui réclament de « généraliser le travail le dimanche » ne comprennent pas que leur majoration (d’ailleurs souvent limitée à 30 % parfois 50 % très rarement 100 %) est due au caractère exceptionnel de l’ouverture, mais qu’elle sera remise en cause s’il y a généralisation.

On nous dit que c’est pour stimuler le commerce : c’est stupide, cela fera disparaître des emplois. Le pouvoir d’achat n’étant pas extensible, ce qui sera acheté le dimanche ne le sera pas les autres jours. Seules les grandes surfaces tireront leur épingle du jeu. Il a été calculé que les petits commerces y perdraient 30 000 emplois (c’est ainsi que toutes les associations de petits commerçants sont CONTRE la généralisation de l’ouverture le dimanche). Les embauches qui auront lieu le dimanche se traduiront par des réductions d’effectifs le lundi et les autres jours…

Les sondages sérieux sont clairs : 85 % des Français se prononcent CONTRE le fait de travailler eux-mêmes le dimanche. Infirmières ou traminots souffrent déjà pour obtenir dans les plannings surchargés, une fois toutes les 5 ou 6 semaines, un dimanche en famille… Pourquoi faire subir cela aux autres, quand ce n’est pas nécessaire ? Défendons le droit au repos dominical adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale en 1906. Mieux : revendiquons le rétablissement de la semaine de cinq jours, avec deux jours de repos consécutifs légaux pour tous. On travaillera mieux… pour travailler tous.

Gérard Filoche (Inspecteur du Travail)

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