Travailler le dimanche : à quelles conditions ?

Le Point – 24/11/2008 – Par Laurence Neuer


Sur autorisation du préfet ou du maire, des dérogations sont accordées aux magasins situés dans des zones d’activité touristique du type Champs-Élysées (photo) © ANTOINE ANTONIOL / MAXPPP

Le ministre du Travail, Xavier Bertrand, a annoncé que la réforme du travail le dimanche serait examinée à l’Assemblée nationale en décembre et mise en oeuvre au premier semestre 2009. Derrière la proposition de loi UMP qui divise les députés de la majorité, se profilent des enjeux considérables : compensations financières, points de retraite, couverture sociale complémentaire… sans compter les arguments brandis par les « anti » : distorsions de concurrence entre les magasins ouverts le dimanche et les autres, entorse au repos dominical. Encore récemment, deux magasins Castorama du Val-d’Oise ont été condamnés à fermer leurs portes sous astreinte de 100.000 euros par dimanche ouvert.

Les enjeux de la réforme

« Pourquoi empêcher celui qui le veut de travailler le dimanche ? Le travail dominical, c’est un jour de croissance en plus, c’est du pouvoir d’achat en plus. » Nicolas Sarkozy ne cache pas son enthousiasme face à cette réforme qui rencontre pourtant bon nombre de résistances. Il faut dire que depuis 18 mois, plusieurs réformes sur le temps de travail sont intervenues. Notamment la loi d’octobre 2007 sur la défiscalisation des heures supplémentaires (exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite de certains plafonds), puis celle d’août 2008 qui modifie entre autres les règles sur le contingent d’heures supplémentaires ainsi que les contreparties en repos pour les salariés.

Selon le rapport Attali, travailler le dimanche devrait être proposé en priorité aux petits commerces des centres-villes, avant de bénéficier aux grandes surfaces. Nombreux sont les acteurs qui souhaitent, par ce biais, s’adapter à la nouvelle conjoncture économique. « Les acteurs du e-commerce souffrent de plus en plus de la concurrence avec leurs homologues des autres pays qui travaillent le dimanche, explique Laurent Carrié, avocat spécialisé en droit du travail. Or, ils n’entrent pas dans le champ des dérogations légales. »

180 dérogations de droit et des dérogations conventionnelles

Le principe de l’interdiction du travail dimanche remonte à une loi de 1906, la première à réduire le temps de travail. Toutefois, cette interdiction n’est pas absolue. Pas moins de 180 dérogations en limitent la portée. Outre les dérogations permanentes liées au secteur d’activité (hôpitaux, spectacles…), les commerces de détail et d’ameublement bénéficient, depuis janvier 2008 (loi Châtel), de dérogations permanentes de droit. « Pourquoi a-t-on plus de difficultés à aller acheter ses meubles que des livres un autre jour que le dimanche ? », s’interroge Me Carrié. Des dérogations conventionnelles sont par ailleurs accordées au moyen d’accords d’entreprises passés avec les partenaires sociaux. C’est le cas, notamment, des entreprises industrielles accueillant des équipes de suppléance le samedi et le dimanche.


Au cas par cas

Sur autorisation du préfet ou du maire, des dérogations sont accordées aux magasins situés dans des zones d’activité touristique – comme les Champs-Élysées – s’il est démontré que les ventes facilitent l’accueil des touristes, ses activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel. N’importe quel magasin de vente au détail peut donc solliciter une dérogation auprès du préfet. À Paris, la boutique Vuitton, contrairement à Virgin, peut ouvrir ses portes. Aussi, pour éviter les distorsions de concurrence avec les magasins se trouvant en dehors de la zone touristique, la proposition de loi prévoit de créer dans les grandes villes (Île-de-France, Marseille) des « zones d’attractivité commerciale exceptionnelle » où le travail serait autorisé le dimanche sur décision préfectorale. Par ailleurs, l’usage veut que les commerces de détail ouvrent, sur dérogation municipale, cinq dimanches par an, en période de fêtes.

Par ailleurs, un magasin qui justifie que sa fermeture cause préjudice au public (qui n’a pas la possibilité de s’y rendre pendant la semaine) a des chances d’ouvrir ses portes le dimanche. « Les décisions varient selon les régions, note Me Carrié. En fait, tout dépend du tissu économique local et des oppositions syndicales. Par exemple, le Val-d’Oise, les Yvelines et les Bouches-du-Rhône sont peu enclins à accorder des dérogations à l’interdiction du travail le dimanche. »


Des obstacles restent à lever

Le problème du travail dominical ne se limite pas aux salariés du commerce de détail. Il concerne aussi le commerce de gros, la vente à distance, le e-commerce et tous ceux qui approvisionnent et gèrent leurs stocks. « Ceux-ci relèvent le plus souvent de branches où les partenaires sociaux ont, il y a bien longtemps, repris le principe d’interdiction du travail le dimanche, souligne Me Carrié. Cet obstacle conventionnel pourrait différer – de plusieurs mois ou plusieurs années – les effets d’une modification voulue par le législateur. Il ne pourra être levé rapidement que si le législateur décide que les nouvelles dérogations attendues pour la fin de l’année prévaudront sur les dispositions antérieures des conventions collectives. »


Ce que prévoit la proposition de loi

Les salariés concernés : il ne s’agit pas de généraliser le travail le dimanche, mais de le réserver aux commerces de biens et de services se situant dans les unités urbaines (Paris, Lyon, Marseille, Lille) et à l’intérieur de « zones d’attractivité commerciale exceptionnelle » qui devront être définies.
– Les commerces concernés : quel que soit le secteur d’activité, les magasins situés dans la zone couverte (spas, vendeurs de voitures, maroquinerie…) auront le droit d’ouvrir.
Le libre-choix du salarié : le texte prévoit un « droit de refus » du salarié.
Les compensations : repos hebdomadaire un autre jour que le dimanche.
La rémunération : au moins égale au double de la rémunération habituelle.

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