«Nous répondons à une attente forte»

Luc Chatel, avant de faire de la politique, a fait des études. Si. Un DESS de marketing, pour être précis (si toutefois il n’a pas lui aussi maquillé son diplôme ;=).

En bleu, nos remarques.

Libération, 10/11/08

Le secrétaire d’Etat chargé de l’Industrie et de la Consommation, Luc Chatel, est l’un des défenseurs de l’assouplissement de la législation sur le travail du dimanche.

La nouvelle proposition de loi Mallié prévoit d’autoriser le travail dominical dans les unités urbaines de plus d’un million d’habitants. Pensez-vous qu’il y a une possibilité d’accord sur ce texte ?

Pour être précis, elle autorise le travail le dimanche dans des zones d’attractivité commerciale exceptionnelle dans les agglomérations de plus d’un million d’habitants. Nous sommes conscients que ce travail crée un débat, y compris au sein même de la majorité parlementaire. Un compromis a été trouvé, c’est un pas important et Nicolas Sarkozy y tient. Personnellement, j’aurais voulu qu’on augmente le nombre de dérogations municipales, en passant de cinq dimanches par an à huit pour les magasins situés en dehors des unités urbaines.

La PPL Mallié n’autorise le travail du dimanche « que » dans les zones les plus peuplées de France. Il est vrai que comme il n’y a pas de Casto, de ConfoKea ou de Leroy Merlin au fin fond des villages de la Creuse, on peut toujours déclarer qu’on « limite » la zone d’application de la PPL aux zones urbaines. Kolossale ficelle…

Une vingtaine de zones commerciales seraient ouvertes le dimanche illégalement. Finalement, vous légalisez des situations irrégulières ?

Non. Nous voulons adapter une loi de 1906, devenue ubuesque aujourd’hui. Quand je suis allé à Thiais (Val-de-Marne) avec Xavier Bertrand, il y avait des magasins ouverts grâce à des dérogations, d’autres ouverts tout en payant une astreinte et certains condamnés à rester fermés parce qu’ils n’en ont pas les moyens. Il est temps que le législateur adapte la loi à nos modes de vie ! Aujourd’hui il y a 3,5 millions de Français qui travaillent tous les dimanches et 7 millions occasionnellement.

Technique révolutionnaire classique, Luc Chatel souligne la situation qui serait « ubuesque » des magasins, alors qu’il est précisément en charge qu’elle ne le soit pas. Deux orientations : soit faire respecter les lois de la République, soit légaliser les délinquants. C’est cette deuxième orientation qu’il a choisi, en allant personnellement à Thiais soutenir les magasins ouverts illégalement.

Les salariés seront-ils payés double, comme l’a souvent dit Xavier Bertrand ?

La proposition de loi garantit le repos compensateur et des majorations salariales.

La PPL Mallié ne garantit rien de bien précis, mais garantit surtout une complication de la loi de 1906, avec au final des conséquences ubuesques sur les salaires, d’un côté et de l’autre des Champs Elysées, un salarié payé double va cotoyer un salarié payé pareil le dimanche, pour un même travail. Mais dument que le groupe LVMH peut vendre des deux côtés, l’honneur est sauf, sans doute.

Libre à l’employeur d’en fixer le montant ?

Déjà aujourd’hui, des cas de figure très différents existent.

Tiens, il n’ a pas osé dire que la plupart des salariés qui travaillent le dimanche sont sans majoration, et que ce n’est pas la PPL Mallié qui va changer quelque chose là dessus ! 

Et en dehors des zones prévues par la loi, il n’y aura pas de majoration salariale obligatoire…

Parmi les grandes enseignes autorisées à ouvrir de plein droit, la plupart prévoient un doublement des salaires et un repos compensateur. Si la proposition de loi garantit pour les zones d’attractivité commerciale exceptionnelle les principes du droit au refus et du repos compensateur, elle préserve également une certaine souplesse. La loi est très incitative et aura un impact bénéfique dans les discussions des partenaires sociaux, au profit de tous les salaires.

Tiens, une faute ! Luc Chatel se trahit, et parle « des grandes enseignes autorisées à ouvrir », lapsus révélateur qui indique bien pour qui la PPL Mallié sort du chapeau. Ensuite, il paraît que ce sont « la plupart des grandes enseignes » qui prévoient [pour le moment, c’est ça, la « souplesse »] un doublement de salaire ? Donc ce n’est pas la PPL Mallié. Ou alors, Luc Chatel ne sait pas ce qu’il dit.

Vous pensez que les salariés oseront refuser le travail dominical ?

Ils auront le droit de refuser et aucune sanction ne pourra être prise contre eux. Je fais confiance aux syndicats pour dénoncer les abus et les empêcher.

Un peu facile, de pondre « de bons textes » selon l’expression de Copé, qui sont des bombes sociales, et de passer le bébé aux syndicats.
 
Tous les experts sont unanimes pour reconnaître que le droit de refus n’existe pas, en réalité. On peut écrire dans la PPL Mallié que la terre est carrée, mais cela ne l’empèche pas beaucoup d’être ronde !
Vous dites qu’un dimanche travaillé c’est un jour de consommation en plus. D’autres pensent que cela ne fera qu’étaler les achats…

Selon les études réalisées dans les pays où l’on travaille le dimanche, la consommation y est dopée de 2 à 3 %. De plus, les pratiques changent : les achats en famille se font le dimanche. Dans certains secteurs, le dimanche représente 25 % du chiffre d’affaires. Ca ne va pas doubler la consommation en France, soyons lucides. Mais si ça génère une consommation supplémentaire, c’est toujours bon à prendre.

Curieux, Chatel disposerait-il d’études secrètes ? Faites par Attali ? La seule étude publique connue sur ce sujet est celle de Xavier Timbeau, qui pose la conclusion contraire de façon très claire, courbes de la consommation allemande à l’appui.
 
Quant à ceux qui font « 25% du chiffre d’affaire le dimanche », c’est un peu facile de faire ça quand tout le monde est fermé aux alentours. Cela s’appelle quand même de la concurrence déloyale.
En ces temps de crise, parier sur le modèle consumériste est-ce vraiment d’actualité ?

Nous ne parions pas sur un modèle. Nous répondons à une attente forte. Celle des entreprises qui veulent faire du chiffre d’affaires. Celle des salariés qui ont envie de gagner davantage. Et celle des consommateurs qui ne peuvent pas fréquenter les commerces la semaine. Il y a aussi un aspect touristique. C’est quand même absurde que les Galeries Lafayette, le plus grand magasin du monde, soit fermé le dimanche. Nous
perdons des activités et de l’emploi.

Là encore, Luc Chatel se trahit, et cite en premier « les entreprises qui veulent faire du chiffre ». S’il entend d’une oreille attentive les salariés mercenaires, payés par Confo ou consorts pour aller manifester devant l’assemblée, il n’entend pas les millions de salariés qui, eux, veulent que soit respecté un temps de pause dans la frénésie des jours. Pour ce qui est de l’aspect touristique, faut-il encore répéter que la PPL Mallié n’apporte rien sur ce plan : rare sont les touristes Japonais qui viennent en France pour visite Plan de Campagne, et la loi de 1906 permet déjà de prendre en compte les particularités touristiques qui seraient nécessaires.

Il s’agit bien du modèle consumériste, malgré les dénégations de Chatel.

Les petits commerces craignent la concurrence des grands centres ouverts le dimanche…

Ce ne sont pas les magasins des grandes agglomérations qui vont déplacer les achats de centre-ville. Le propre du petit commerce c’est d’offrir de la proximité et du service que n’apporteront jamais les grandes zones commerciales. Ils continueront de bien se développer.

Peut-on avoir raison seul contre tous ? Luc Chatel pose l’affirmation inverse des toutes les organisations artisanales, la FNCV, l’UPA, la CGPME, etc, qui connaissent le sujet du commerce de centre ville d’un peu plus longtemps qu’un secrétaire d’Etat qui fait passer au forceps un amendement basé sur des affirmations inexactes (l’amendement ConfoKea), démontrant au passage sa médiocre connaissance du dossier comme des réalités de terrain.

 

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