Le travail du dimanche au menu de l'Europe

La Croix – 04/11/2008 20:54


Jose Manuel Barroso, juin 2008, Cliché Reuters

Une directive sur le temps de travail qui doit être votée mercredi 5 novembre en commission au Parlement européen pourrait aider les pays de l’UE à mieux encadrerles législations nationales sur le travail du dimanche

L’Europe peut-elle interdire de travailler le dimanche ? Non, mais elle pourrait prévoir que la période minimale de repos hebdomadaire comprenne « en principe » ce jour-là.

Syndicats et Églises seront très attentifs au vote, mercredi 5 novembre au Parlement européen d’une directive aménageant le temps de travail, qui a toutefois peu de chance d’être amendée en ce sens.

Ce vote entre députés européens de la commission parlementaire des affaires sociales est décisif car il annonce le vote final du texte attendu, en séance plénière du Parlement européen, le 17 décembre à Strasbourg.

Le dimanche autrefois protégé par le droit européen

Le dimanche a pourtant autrefois été protégé par le droit européen. Une ancienne directive sur le temps de travail, adoptée il y a quinze ans, privilégiait déjà ce jour de la semaine en l’incluant dans le repos hebdomadaire, obligeant en pratique de justifier toute dérogation.

Mais la Grande-Bretagne a attaqué l’ensemble de la législation, l’estimant infondée. La Cour européenne de justice ne lui a pas donné raison, sauf, précisément sur la question du repos dominical.

Dans un arrêt de novembre 1996, les juges communautaires ont estimé que le dimanche ne s’imposait pas davantage « qu’un autre jour de la semaine » puisque ce repos, en droit européen, est pris avant tout au motif de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Seul un argumentaire sanitaire est recevable

Seul un argumentaire sanitaire peut fonder la législation européenne dans un domaine social qui est, sinon, de compétence nationale. Dans une nouvelle version de la directive sur le temps de travail, adoptée en 2003 et actuellement en vigueur, toute considération sur le dimanche a donc disparu.

Tout le défi des défenseurs du repos dominical a été d’établir un lien avec des préoccupations de santé et de sécurité au travail. Les Églises, catholique et protestantes, se sont bien gardées d’invoquer des motifs religieux qu’elles savent sources de division au sein du Parlement et parmi les États membres de l’UE.

C’est davantage une étude officielle de l’Agence européenne sur les conditions de travail qui a prêté main-forte à l’argumentation. Dans les entreprises où l’on travaille le samedi ou le dimanche, « la probabilité que surviennent des problèmes de maladie et d’absentéisme est 1,3 fois plus grande que dans les établissements n’exigeant pas de leur personnel de travailler pendant le week-end », conclut l’enquête, montrant l’essor du travail dominical outre-Manche, mais aussi en Suède et en Finlande.

« C’est important pour la famille »

« Nous sommes plutôt favorables à mentionner le dimanche dans le repos hebdomadaire. C’est important pour les membres d’une même famille de disposer d’un jour commun ensemble », indique Catelene Passchier, spécialiste de cette législation à la Conférence européenne des syndicats (CES).

Le travail des mineurs le dimanche est par ailleurs interdit en droit européen. De grands syndicats comme celui des services outre-Rhin (Ver.di) et Solidanorsc en Pologne ont signé avec des représentants d’Églises, à Vienne, le 14 octobre, une résolution pour un dimanche libre. Du coup, plusieurs élus européens, de bords politiques différents, ont récemment déposé des projets d’amendement à la nouvelle directive sur le temps de travail plaidant la cause du dimanche.

Pour autant, dans les discussions en cours depuis 2004 sur cette nouvelle directive, la mention du dimanche ne constitue pas une ligne rouge pour les syndicats. La fin de la dérogation britannique à la semaine de 48 heures et la prise en compte des temps de garde dans le secteur hospitalier sont jugées prioritaires « et tout aussi importants pour la conciliation de la vie de famille et du travail », remarque Catelene Passchier.

« Les amendements ne sont pas recevables »

La CES doute par ailleurs qu’il soit opportun de compliquer la conclusion de débats déjà houleux en réintroduisant la protection du dimanche. « Les Églises se sont réveillées tard », juge-t-elle.

« Les amendements sur le dimanche ne sont tout simplement pas recevables », a expliqué mardi 4 novembre à La Croix le rapporteur de la directive au Parlement européen, Alejandro Cercas. Bien que favorable sur le fond à l’inclusion du dimanche, cet élu socialiste espagnol rappelle qu’il est impossible, selon la procédure de décision européenne, d’introduire un nouveau sujet entre la première lecture, qui s’est tenue en 2005, et l’actuelle deuxième lecture. Et il doute que le dimanche puisse se résumer à une question de santé. « Mais si l’Europe ne peut légiférer, le niveau national le peut », conclut-il.

Sébastien MAILLARD, à Bruxelles

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