Le travail de sape du dimanche

Libération, 10/11/08 Alain Auffray et Sonya Faure

Une proposition de loi prévoit d’assouplir la législation et de généraliser à toutes les grandes villes l’ouverture dominicale des commerces.

Après les heures sup, le jour sup. Une nouvelle proposition de loi sur le travail dominical a été déposée vendredi à l’Assemblée nationale par le député des Bouches-du-Rhône Richard Mallié (UMP). Il s’agit d’autoriser l’ouverture des magasins le dimanche dans quatre«unités urbaines» de plus d’un million d’habitants : Aix-Marseille, Lyon, Paris et Lille. Très divisés, les élus du parti majoritaire débattront de cette proposition la semaine prochaine, en présence des ministres concernés, Luc Chatel (Consommation) et Xavier Bertrand (Travail).

Pour le chef de l’Etat, la crise économique mondiale impose d’avancer sur ce sujet. «Il faut lever les obstacles dus à des réglementations qui ne sont plus adaptées», a-t-il martelé le 28 octobre à Rethel (Ardennes) dans son discours sur l’emploi. Les parlementaires sont donc priés de se saisir «maintenant» et «sans tabou» de cette question. Promesse de campagne de Sarkozy, la levée des «obstacles» au travail le dimanche est inscrite à l’ordre du jour prioritaire de l’Assemblée nationale. «Personnellement très favorable» à une telle réforme, le président du groupe UMP, Jean-François Copé, estime qu’elle pourrait être débattue «fin décembre ou début janvier». Pour lui, la proposition de loi en question est un compromis sur lequel devraient pouvoir s’accorder les pro et les anti-travail dominical. Compte tenu du calendrier chargé des semaines à venir, il prévient toutefois qu’il sera «difficile» d’arriver à un vote avant la fin de l’année.

Dérogations. A l’image de Christian Jacob, ex-ministre des PME et de la Consommation de Jacques Chirac, de nombreux députés UMP avaient dénoncé une première proposition de loi, déposée en avril, par Richard Mallié. Ce texte prévoyait une «dérogation au repos dominical» expérimentée «pendant cinq ans» dans les zones touristiques ou les zones «d’attractivité commerciale exceptionnelle». Pour Bruno Le Maire, député UMP de l’Eure, une telle expérimentation aurait clairement ouvert la voie à une «généralisation sur l’ensemble du territoire», entraînant dans certaine zones, notamment dans son département, «la disparition de tous les commerces de centre-ville».

En limitant les possibilités d’ouvertures dominicales à des «zones d’attraction commerciale exceptionnelle» dans les quatre plus grandes agglomérations françaises, Richard Mallié espère surmonter les fortes oppositions de sa famille politique. Il souligne qu’«il ne s’agit absolument pas de remettre en cause le principe du repos dominical» et que dans tous les cas, les dérogations seront envisagées «sur proposition des conseils municipaux».

Reste l’opposition des syndicats et des salariés eux-mêmes. Xavier Bertrand s’était prononcé, en octobre, pour que les salaires des travailleurs du dimanche soient doublés et qu’«un droit au refus soit garanti par la loi». Dans la proposition de Richard Maillé, il est effectivement prévu une majoration égale à une journée de travail… sauf si d’autres solutions sont trouvées dans le cadre des négociations avec les syndicats. «On peut imaginer, par exemple, des accords sur un repos compensateur de deux jours», explique Richard Mallié.

Quand au principe du volontariat, affiché par les promoteurs de la réforme, les syndicalistes craignent qu’il ne soit que très relatif. «Ce sont les caissières les plus concernées car on peut ouvrir un magasin le dimanche sans le salarié spécialiste du rayon viande, mais pas sans caissière, explique Isabelle Leroy, de la CFDT Littoral (Côte-d’Opale, dans le Nord-Pas-de-Calais). Or ce sont elles qui ont le moins d’argent et qui n’ont pas le choix pour arrondir leur fin de mois.»

Internet. Pour les partisans du travail dominical, la réforme s’impose aussi pour faire face à la concurrence des sites de commerce sur Internet, ouverts, eux, 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24. Ils pointent une situation devenue, de fait, assez ubuesque : dans certaines zones commerciales, de plus en plus d’enseignes ouvrent sans autorisation préfectorale. D’autres profitent des dérogations accordées pour les zones touristiques… même quand elles se situent en banlieue parisienne. Les syndicats attaquent de plus en plus régulièrement ces chaînes commerciales qui, quand elles sont condamnées, préfèrent payer les amendes plutôt que fermer. Le député Mallié le dit lui-même dans l’exposé des motifs de sa première proposition de loi : «A ce jour, une vingtaine de zones commerciales ouvrent le dimanche sans qu’aucune autorisation n’ait été donnée ni qu’aucun accord social n’ait été conclu. En toute illégalité donc.»

Si les retombées économiques d’une généralisation du travail dominical sont contestées, l’effet boule de neige sur d’autres professions, lui, pourrait être conséquent. C’est ainsi que le ministre du Travail a dit souhaiter que des crèches «puissent être ouvertes» sept jours sur sept.

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