CAD Marianne2, 14/10/08
Le Journal du Dimanche très favorable au… Travail du Dimanche
Un sondage dans le JDD, quelques interventions de Luc Chatel, et le débat sur le travail du dimanche est relancé. Un sujet qui tombe à pic en pleine crise économique, grâce au soutien d’un journal qui ne dirait pas non à quelques ventes supplémentaires en ce jour du Seigneur.
Simple coïncidence ou manipulation ? Depuis plusieurs semaines, le secrétaire d’Etat chargé de l’industrie et de la consommation, Luc Chatel, a lancé une campagne de sensibilisation visant à promouvoir le travail le dimanche.
Ce week-end, le Journal Du Dimanche lui a ouvert ses pages. Pour l’occasion, le quotidien du 7e jour avait commandé un sondage. A première vue, la question paraissait simple et sans ambigüité : « Travailler le dimanche est payé davantage qu’en semaine. Si votre employeur vous proposait de travailler le dimanche, accepteriez-vous? ». Difficile de dire non à tant de sollicitude de la part d’employeurs si bien intentionnés. On en oublierait presque que les multiples expériences de travail le dimanche n’ont pas eu les résultats concluants décrits dans ce monde merveilleux raconté par le JDD et Ifop.
De profonds clivages complètement occultés
Résultats du sondage: 17% des personnes interrogées se disent prêtes à accepter de travailler tous les dimanches et 50 % « de temps en temps », sans précisions aucune sur cette vague notion de temporalité.
Repris par la plupart des médias écrits et audiovisuels, ça donne : « 67% des Français sont favorables au travail le dimanche ». De son côté, le JDD tranche dans le vif : «Les Français veulent travailler le dimanche». Il ne reste plus qu’à signer.
Curieusement, le sondage passe outre quelques détails : si les Français sont prêts à renoncer au repos dominical, seule une courte majorité (52% contre 48%) réclame l’ouverture des magasins le dimanche. Avec un important clivage entre Paris et la province : si les trois quarts des habitants de l’agglomération parisienne aimeraient voir leurs magasins ouvrir tous les jours, seul un habitant de province sur deux le souhaite. De même de profondes différences apparaissent en fonction des niveaux de revenus. Ainsi, les ménages plus aisés, donc plus aptes à consommer, se montrent curieusement beaucoup plus favorables à l’ouverture des magasins le dimanche que les autres…
Le devoir de consommation
Luc Chatel, le porte-parole du gouvernement justifie la relance de ce débat par la crise économique mondiale : « C’est justement le moment d’avancer, de favoriser la consommation et d’aller chercher de la croissance. Si on a peur de bouger, on est sûr de perdre (…)Maintenant, il faut passer à la question du dimanche. Partout où les magasins ouvrent le septième jour, l’activité a été favorisée. Le commerce du dimanche, ce sont des emplois et de la croissance! ».
« Favoriser la consommation et aller chercher la croissance ». Nous y voilà. Il n’est pas du tout certain que l’ouverture des magasins le dimanche permette une remontée des chiffres de la croissance mais, en ces temps de crise, le moment est venu de culpabiliser le ménage qui, moral dans les chaussettes, refuserait de participer à l’effort de consommation, presque de reconstruction, du pays.
Le Journal du Dimanche prêche pour sa paroisse
Reste que la question est stratégique pour le journal lui-même. Comme son nom l’indique le Journal du Dimanche n’est en vente qu’un jour par semaine, « entre 09h00 et 13h00 dans un réseau atrophié par rapport à celui ouvert en semaine » selon les explications fournies, en cette rentrée, par le directeur de Lagardère Active Didier Quillot. Un état de fait dont pâtit lourdement le titre au point d’envisager d’avancer sa parution au samedi afin de profiter des kiosques ouverts ce jour-là pour dépasser le seuil des 200.000 ventes hebdomadaires. Le JDD aurait donc lui aussi tout à gagner à voir l’activité commerciale des grands centres urbains se développer le dimanche.
Lundi 13 Octobre 2008 – 17:33Régis SoubrouillardLu 3863 fois