L'UMP n'est pas unanime sur le repos dominical

« Supprimer le principe d’un repos collectif, ce n’est pas créer de la richesse mais appauvrir l’homme. »

Par JEAN-FRÉDERIC  POISSON, député des Yvelines, vice-président du Forum des républicains sociaux.

Un article paru dans Valeurs Actuelles du 30/10/08

Faut-il réellement libéraliser le travail dominical? Je ne le pense pas. C’est vrai, des millions de nos concitoyens travaillent le dimanche, en dépit de cette loi du 13 juillet 1906 qui dispose que le « repos hebdomadaire doit être donné le dimanche ». Cent cinquante dérogations successives sont venues, au fil du temps, rompre avec ce principe à valeur générale. Et la prochaine « loi sur le travail du dimanche » veut permettre à la grande distribution d’ou­vrir au-delà des cinq dimanches annuels dérogatoires prévus par les textes, et accordés de manière quasi systématique.

C’est un fait: nous avons tous la possibi­lité de nous rendre, tous les dimanches, dans certains magasins, souvent ouverts en toute illégalité. Ces magasins réalisent désor­mais un chiffre d’affaires régulier ce jour-là, et des emplois tout aussi réguliers procurent un revenu dont les titulaires ont besoin. Aujourd’hui, les employeurs et beaucoup des salariés concernés attendent que leur situa­tion soit régularisée. On peut les comprendre. Mais au nom de la liberté et de la croissance, on nous dit qu’il faudrait autoriser sans restriction l’ouverture dominicale des maga­sins. Pour autant, même en admettant que l’on parvienne à fournir aux salariés de vraies garanties – qui le peut ? -, que l’on n’ instaure pas une concurrence sauvage entre les grandes zones commerciales et le commerce de centre-ville – comment l’éviter? -, que l’on soit certain que la croissance envisagée soit au rendez-vous – comment l’être? -, la question centrale demeure : quel serait le coût humain et social d’une libé­ralisation du travail dominical? Outre que le législateur n’a pas pour mission d’accompagner a posteriori toutes les évolutions sociologiques en « régularisant » des situa­tions illégales régulièrement condamnées par les tribu­naux, deux raisons principales doivent conduire à ne pas accepter une libéralisation du travail dominical.

Premièrement, les Français sont plus que réticents sur ce sujet, et l’on tend à faire dire aux enquêtes d’opinion des choses qu elles ne disent pas, aucune ne montre autre chose qu’un partage très serré des points de vue. Le nombre de nos concitoyens favorables au travail domi­nical était plus important fin 2007 qu’à l’automne 2008, comme si les difficultés économiques avaient redonné aux relations humaines un poids plus important que la perspective d’une rémunération améliorée. Et si une grande majorité de Franciliens est favorable à ce projet, la proportion est nettement plus faible en province. Ajou­tons que la proportion de personnes favorables à ce projet est nettement plus élevée chez ceux qui ne sont pas appe­lés à travailler eux-mêmes le dimanche – sans commen­taire ! Toujours plus de 60 % des personnes interrogées pensent que le travail dominical constitue la perte d’un moment important pour la vie familiale et sociale, quand toujours moins de 20 % y voient un levier économique. On est en fait loin de l’unanimité. Les Français sont partagés sur ce sujet, parce que ce partage existe au cœur de chacun d’eux.

Deuxièmement, il y a un risque réel à courir après un supplément hypothé­tique de richesse économique au prix d’un appauvrissement très probable du lien social. Que serait une société dans laquelle le travail dominical serait devenu majoritaire, consa­crant comme principe (et non plus comme exception) l’absence de pause dans l’activité économique? L’opinion publique ne semble pas réellement prête à un tel bouleversement, dont le bénéfice humain est très douteux. Alors même que la crise financière mondiale nous alerte sur les conséquences néfastes de la pour­suite du profit à tout prix, il est présomptueux de prolonger cette course quand une réflexion collective sur l’utilité et les moyens d’une authentique richesse s’impose plus que jamais. Le dimanche en tant que marqueur historique, culturel et social constitue un repère important dans nos vies. Moment majoritaire du repos collectif, il contribue à l’oxygénation du corps social tout entier et permet aux personnes de créer entre elles un tissu de relations que le corps social n’a pas besoin de payer. Renoncer collective­ment à ce repos largement partagé, et compliquer par conséquent l’organisation de la vie sociale gratuite, aurait un impact délétère sur le lien social.

C’est pourquoi, s’il faut trouver les voies et moyens d’une régularisation équilibrée pour les salariés et les entreprises déjà concernées et volontaires, toute tentative d’aller au-delà est tout simplement inacceptable. Il est des richesses qu’il faut savoir ne pas produire, parce qu’elles coûtent davantage que ce qu’elles rapportent. Tout ce qui isole l’homme l’appauvrit, et la société avec lui : le travail dominical généralisé ne nous enrichira pas.

 
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