Grands magasins : l'ouverture dominicale passe assez mal

La République du Centre, 29 octobre 2008


Pour les fêtes de fin d’année, ces grandes enseignes seront ouvertes les 14 et 21 décembre. (Photomontage : Daniel Bedrunes)

Le gouvernement vient de relancer le projet d’ouvrir les grandes surfaces le dimanche, d’ici à la fin de l’année. Dans le Loiret, salariés et clients sont plutôt contre ; les responsables d’enseignes dans l’attente.
Le (vieux) serpent de mer de l’ouverture dominicale des grands hypers et supermarchés refait (grande) surface. En débat : l’intérêt des salariés (jour de congé contre salaire majoré), des clients (plus de souplesse pour faire ses courses, mais consumérisme à outrance), et celui (supposé) des responsables d’enseignes (offre accrue, éventuelle hausse du chiffre).

Luc Chatel, secrétaire d’État à la consommation, vient dernièrement de s’y… employer.

Ses dernières propositions fondées sur le volontariat et le paiement double de ces jours de légitime repos dominical ne font pas vraiment recette dans le Loiret.

«Contre mon éthique »
Malgré la fièvre acheteuse et le culte de la société de consommation, il semble que travailleurs de ces grandes surfaces et clients mettent leurs oeufs dans le même panier !

« Ça peut être pratique, mais c’est contre mon éthique », dixit Alexandra. « C’est nécessaire et vital d’avoir un jour, tous ensemble, en famille », selon Aline et Michel, lundi, à la sortie d’une grande surface.

Notre récent sondage Internet corrobore : sur les 864 réponses obtenues (en une semaine !) dont seize qui ne savaient pas, une forte majorité (511 votants) se disaient « pas vraiment » ou « pas du tout » satisfaits de l’ouverture des commerces le dimanche. En revanche, 337 internautes y seraient « totalement » ou « globalement » favorables.

S’adapter à la vie familiale
Autre levée de boucliers, mettant en avant « les contraintes de la vie familiale ; et le paradoxe de ramener la semaine d’école à quatre jours et de faire travailler les salariés le dimanche » : celle des associations familiales. L’Union départementale des associations familiales du Loiret veut « préserver le dimanche comme un temps familial. Les rythmes de consommation doivent s’adapter à la vie de famille (…) Même ouvertes le dimanche, l’offre en crèches sera insuffisante (…). » Idem aux Familles rurales : « (…) L’équilibre familial est menacé. Ça n’augmentera pas le pouvoir d’achat des familles au budget déjà si serré (…) En milieu rural, le commerce de proximité sera fragilisé (…). » Le syndicat Solidaires va plus loin : « Le travail du dimanche ça existe déjà, et c’est très mal payé (…) Les salariés ne veulent pas travailler la nuit, dehors par tous les temps, dans des conditions dangereuses (…). »

Les employés, justement, Danielle Barrioz, assistante de caisse à Carrefour Place d’Arc, à Orléans, depuis 24 ans, déléguée CFDT, témoigne : « J’ai toujours été contre. Il faut des repères, une vie familiale. Le dimanche deviendra un jour de travail banalisé, payé comme tous les autres… »

Reste les « patrons » des grandes surfaces. Leur avis semble nuancé : « C’est l’expectative. J’y suis pas plus favorable que ça. Les cinq autorisations annuelles peuvent suffire. Le gain d’activité n’est pas sûr d’être supérieur au paiement majoré des salariés volontaires », confie Walter Hatton, directeur de Carrefour Saran. Sollicités, les gérants des Leclerc Amilly et Olivet n’ont pas donné suite. Quant à Vincent Wadoux, responsable d’Auchan Gien, sa situation est avant-gardiste : « Depuis un an, nous sommes ouverts le dimanche matin. En accord avec nos salariés, ils travaillent ce jour-là sur la base du volontariat et ont une paie majorée.

Avoir le choix oui, mais généraliser à tous les dimanches ne servirait à rien. Pourquoi pas ouvrir tous ceux de décembre et un ou deux autres par an, lors des soldes ? » Ce projet fait donc jaser et est loin d’obtenir l’adhésion de tous.

Ouverts les 14 et 21 décembre
Jusqu’à présent, dans le Loiret, les grandes surfaces ont l’autorisation légale d’ouvrir exceptionnellement leurs magasins (d’au moins 300 m2) cinq dimanches par an. Ces ouvertures se déroulent lors des fêtes de fin d’année, à raison de deux à trois dimanches (comme en 2006, car le 24 décembre tombait un dimanche) selon les années, jusqu’à 19 h.

Pascal Hurault, conseiller au commerce à la Chambre de commerce et d’industrie (CCI), précise : « Chaque responsable de magasin est tenu de demander l’autorisation au maire de sa commune. Depuis 20 ans, la CCI joue un rôle de coordination, en septembre, en réunissant les maires des grandes agglos (Orléans, Montargis, Pithiviers et Gien), les patrons de supermarchés concernés et les unions commerciales locales, afin d’avoir une pertinence géographique et temporelle, et éviter aussi des distorsions de concurrence. À l’issue, ces dates sont choisies. » Cette année donc, la ruée aura lieu les 14 et 21 décembre.

Une règlementation particulière
Ce que dit la loi
Le Code du travail pose le principe du repos dominical (de 0 à 24 h) pour les salariés. Il y a des dérogations. En revanche, le chef d’entreprise n’y est pas assujetti et peut travailler le dimanche, sauf dans certains secteurs d’activité.

Dérogations
Dérogations permanentes. – Acquises sans autorisation administrative, elles touchent les activités suivantes : hôtels, restaurants et débits de boissons ; débits de tabacs ; magasins de fleurs naturelles ; hôpitaux, maisons de retraite, pharmacies… ; entreprises de journaux et d’informations ; entreprises de spectacles ; musées et expositions ; jardineries et graineteries ; locations de DVD ; pompes funèbres ; magasins d’ameublement (loi du 3 janvier 2008 pas appliquée dans le Loiret), etc. La loi ne prévoit pas de majoration de salaire, mais les conventions collectives le peuvent. Le personnel employé le dimanche aura un repos un jour de la semaine.

– Les salariés des établissements de vente de denrées alimentaires au détail peuvent travailler le dimanche jusqu’à midi, moyennant repos compensateur et majoration de salaire.

– Dérogations soumises à autorisation. Dans les établissements de commerce de détail où le repos hebdomadaire a lieu normalement le dimanche, ils peuvent obtenir l’ouverture dominicale auprès de leur mairie dans la limite de cinq dimanches maximum par an. Les représentants du personnel ou le comité d’entreprise doivent être préalablement consultés (lire ci-contre).

Fermeture obligatoire des établissements dans certaines activités commerciales. Dans notre département, quatre arrêtés préfectoraux ordonnent la fermeture un jour par semaine (le dimanche voire les jours fériés), sous contrôle des maires : établissements d’enseignement de la conduite des véhicules à moteur (auto-écoles) ; vente de caravanes, de matériels de camping et d’articles de sports ; magasins d’ameublement : deux dérogations maximum par an peuvent être accordées ; commerces de matériaux de construction, quincaillerie, bricolage… : fermeture le dimanche à partir de 13 heures…Stéphane Lacoume

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