Chatel: "Le commerce du dimanche, c'est des emplois"

Apparemment, Luc Chatel ne voit que l’instauration du travail du dimanche pour sortir de la crise mondiale ? Si le secrétaire d’Etat à la consommation n’a que ce moyen à proposer, elle risque de durer un peu plus longtemps que prévu !

Mais l’entretien ci-dessous, publié par le Journal du Dimanche est passionnant à plus d’un titre : d’une part parce qu’il précise la vision de la société de notre secrétaire d’Etat, ensuite parce qu’elle répond clairement à deux questions importantes, celle des primes au travail du dimanche, et celle du droit au refus des salariés. Enfin, parece qu’il est à lui tout seul un condensé de marketing politique, discipline dans laquelle nous pensions qu’Epidemaïs était un maître indépassable, mais que Luc Chatel dépasse allègrement, avec des prouesses qui font toujours rire l’amateur de logique !

La vision sociale de Luc Chatel : béton-pognon.

La vision sociétale de Luc Chatel, dans ce qu’il en exprime dans son inteview au JDD, paraît assez simple :  » La loi de modernisation de l’économie (LME) facilite l’implantation des grandes surfaces commerciales. Maintenant, il faut passer à la question du dimanche. » On implante des supermarchés, et après, on y fait travailler tout le monde sept jours sur sept. Luc Chatel se fait ainsi le héraut – la LME, c’est lui – d’un modèle social oligopolistique, dominé par de grandes chaines commerciales, à qui nous devons de nombreuses réussites architecturales dans nos péri-urbanisations, et les éminents progrès sociaux que l’ont sait…

Pour la société de Luc Chatel, il n’existe qu’une seule valeur, ce qui a au moins le mérite de simplifier les chose : l’argent. « Est-il normal que les Galeries Lafayette baissent le rideau le dimanche? Non! Elles perdent des millions de touristes étrangers. » Curieuse vision d’une société qui serait ouverte le 1er Mai, le 14 juillet, et à Noël, et la nuit, aussi, pour « faire du pognon » avec un maximum de touristes…

Doublement du salaire garanti : c’est non.

Pour ce qui concerne la promesse d’un doublement de salaire le dimanche, la réponse de Luc Chatel est un modèle qu’Epidemaïs pourrait méditer : en trois phrases, trois p’tits mensonges.

A la question « Tiendrez vous votre promesse de doubler les salaires le dimanche », l’habile secrétaire répond : « La proposition de loi prévoit des majorations salariales ». Un peu évasif. Allons donc voir la proposition Mallié 2 : dans son article 1, elle prévoit de modifier le Code du Travail pour rendre possible le travail du dimanche, MAIS elle n’inscrit pas dans ce même code le doublement du salaire. Malin. Ainsi, les éventuelles primes de dimanche sont renvoyées à des accords de branches, par nature imprévisible et changeante : la prime du dimanche, actuellement, n’existe pas pour tout le monde, et dans l’avenir, n’est garantie pour personne !

« Déjà dans certaines enseignes, chaque salarié bénéficie d’un jour de récupération et d’une double rémunération pour un dimanche travaillé ». Là, le secrétaire d’Etat « oublie » de dire que dans la majorité des professions, actuellement, il n’y a aucune rémunération supplémentaire pour le dimanche. Et, petite manipulation supplémentaire, par l’emploi de « déjà », il sous-entend que le grand mouvement du rasage gratis et du double salaire pour tous est engagé, ce qui est faux, au regard du contenu de la proposition Mallié.

Et il termine par une formule d’une admirable candeur : « Nous veillerons à ce que la formule la plus bénéfique aux employés soit privilégiée ». Ben voyons ! A la fois l’Etat n’intervient pas dans un accord de branche, et à la fois l’Etat prend bien soin de ne pas écrire dans le Code du Travail que l’activité dominicale doit être payée double. Trop fort, le secrétaire !

Droit au refus des salariés : Chatel patauge.

Autre point souvent évoqué, le droit des salariés de refuser de travailler le dimanche, une sorte d’objection de conscience.

Xavier Bertrand et Luc Chatel jurent à qui veut les entendre que ce droit sera respecté, et Luc Chatel affirme crânement : « nous sommes particulièrement vigilants », pour ajouter immédiatement « mais c’est aux branches d’activité et non à la loi d’en définir les conditions ».

Là, pas de chance, le secrétaire se gauffre ! En effet, contrairement aux questions salariales évoquées ci-dessus, la proposition Mallié inscrit dans le Code du Travail (toujours dans son article 1), que le refus de travailler le dimanche n’est pas un motif de licenciement, donc ce point ne relève pas des accords de branche, mais bien de la loi !

Malgré toute l’admiration qu’on peut lui porter,il faut sur ce point reconnaître une certaine faiblesse à Luc Chatel : rappelez vous, c’est lui qui était venu soutenir en séance l’amendement ConfoKéa présenté par la sénateur Isabelle Debré, en affirmant que l’ameublement disposait d’un accord collectif prévoyant des garanties compensatrice du travail dominical, garanties qui n’existaient pas, bien sûr.

Reste que pratiquement, il faudra que Luc Chatel nous explique, et explique à ceux d’entre les salariés qui sont les plus mal payés – ceux de Casino, par exemple ?! – comment ils pourront refuser à leur employeur de travailler le dimanche.

Protection des petits commerces : tout va très bien, Madame la Marquise.

La protection des petits commerces est aussi une source d’inquiétudes. Rappelons-nous Renaud Dutreil, ancien ministre des PME, qui prévoyait la destruction de « centaines de milliers d’emplois » (communiqué du 29/6/06).

Mais là, le secrétaire Chatel est un peu à sec d’arguement. La proposition Mallié, qui ne contenait pas d’étude d’impact économique des dispositions à prendre, ne contient pas davantage – en toute logique – de dispositif d’accompagnement de modifications qu’il faut attendre.

Que les petits commerces se débrouillent tous seuls, et l’ASSEDIC fera le reste !

Pour le plaisir d’être méchant

En cette période de crise mondiale, il est des plaisirs qui restent gratuits, comme par exemple la méchanceté.

Et par exemple, à ce titre, d’épingler Luc Chatel, qui déclare « on doit remettre de l’ordre et de la clarté », parce que – ce n’est pas bien – « Il existe 180 dérogations à l’interdiction du travail dominical* ». « Mais comment faire ? », demande le JDD. Tout simple, répond Chatel, je sors le Mallié de mon sac « La proposition du député des Bouches-du-Rhône, Richard Maillé, est plus que jamais d’actualité » !

Vous pensiez peut-être que la proposition Mallié consiste à simplifier ces dérogations, voire à les supprimer ? Pas du tout !! La proposition de Mallié ne vise qu’à une seule chose : établir une dérogation supplémentaire, au profit en premier lieu de la zone commerciale de Plan de Campagne, dans la circonscription du député Mallié, et en second lieu de l’Ile de France ! Décidément, la notion d’ordre et de clarté, pour un politique, échappe un peu au sens commun !

Tout cela n’est guère réjouissant. Heureusement, au journaliste qui lui demande « Mais alors, le dimanche deviendra un jour comme un autre ? », Chatel répond solonellement par une promesse : « ça n’arrivera pas ! » Et les promesses des hommes politiques, moi, j’y crois !


* l’argument des « 180 dérogations au principe du repos dominical » nous est resservi abondamment par les bidonneurs de tout poils, qui voudraient nous faire croire que ce nombre est absurde. Il est temps de tordre le cou à cet argument d’une rare stupidité = voir ce l
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Le Journal du Dimanche 11-10-08 Propos recueillis par Marie NICOT

Luc Chatel veut relancer le débat sur le travail le dimanche. Le secrétaire d’Etat à l’Industrie et à la Consommation estime dans le JDD que l’économie française peut créer de la croissance et de l’emploi grâce à des activités dominicales, rejetant le risque que cela représenterait pour les petits commerces. Le porte-parole du gouvernement souhaite aussi que les salariés puissent y trouver leur compte.


Luc Chatel, secrétaire d’Etat à l’Industrie (Maxppp)

Pourquoi relancer le débat sur le travail du dimanche en pleine crise mondiale?
C’est justement le moment d’avancer, de favoriser la consommation et d’aller chercher de la croissance. Si on a peur de bouger, on est sûr de perdre. La loi de modernisation de l’économie (LME) facilite l’implantation des grandes surfaces commerciales. Maintenant, il faut passer à la question du dimanche. Partout où les magasins ouvrent le septième jour, l’activité a été favorisée. Le commerce du dimanche, ce sont des emplois et de la croissance! A Plan-de-Campagne, dans les Bouches-du-Rhône, 1 000 emplois sur 6 000 sont liés au dimanche. A Thiais Village, où je me rends aujourd’hui avec Xavier Bertrand, plus de 35% du chiffre d’affaires de la semaine du centre commercial est réalisé sur la seule journée du dimanche.

Donc, le dimanche deviendra un jour comme un autre?
Ça n’arrivera pas. Mais il faut moderniser une législation ubuesque qui date de 1906. Il existe 180 dérogations à l’interdiction du travail dominical ! On nage dans l’incertitude juridique et l’illogisme. Souvenez-vous: en juin dernier, plus de 2 000 salariés de grands magasins ont manifesté à Paris pour pouvoir travailler le dimanche. Il faut laisser le choix aux Français. Est-il normal que les Galeries Lafayette baissent le rideau le dimanche? Non! Elles perdent des millions de touristes étrangers. On doit remettre de l’ordre et de la clarté.

Comment?
Je travaille en étroite collaboration avec les élus de l’UMP. La proposition du député des Bouches-du-Rhône, Richard Maillé, est plus que jamais d’actualité. Si le calendrier le permet, nous pourrions l’inscrire à l’ordre du jour de l’assemblée d’ici à la fin de l’année. Cette proposition prévoit de créer des zones d’attractivité commerciale exceptionnelle – les grandes agglomérations de l’Ile-de- France, Marseille -, où chaque préfet autorisera l’ouverture dominicale.

Comment protéger les petits commerces, boulangeries, fleuristes ou marchés ouverts si les hypers ouvrent le dimanche?
Dans les petites villes, les supermarchés spécialisés dans l’alimentaire peuvent déjà ouvrir jusqu’à midi tous les dimanches, et la cohabitation avec les petits commerces ou les marchés se passe très bien! En favorisant la concurrence et la diversité de l’offre, c’est le consommateur qui est gagnant. Notre objectif est d’assouplir la législation, mais en préservant l’équilibre local.

En décembre 2007, Xavier Bertrand promettait que les salariés travaillant le dimanche toucheraient une double paye. Vous allez tenir cette promesse?
La proposition de loi prévoit des majorations salariales. Déjà dans certaines enseignes, chaque salarié bénéficie d’un jour de récupération et d’une double rémunération pour un dimanche travaillé. Nous veillerons à ce que la formule la plus bénéfique aux employés soit privilégiée.

Les salariés pourront-ils refuser le travail du dimanche, malgré les pressions de l’employeur?
Dans ce dossier, nous sommes bien sûr particulièrement vigilants sur la défense du droit au refus des salariés. Mais c’est aux branches d’activité et non à la loi d’en définir les conditions.

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