Vous êtes condamné ? Pas de pb, le Préfet vient vous aider !

Difficile de rester calme. Alors que le Tribunal de Créteil vient de condamner les enseignes de Thiais-Village à respecter la règle du repos dominical, qui s’impose à toutes les entreprises de France, le Préfet du Val de Marne vient de leur accorder une dérogation qui va leur permettre de s’asseoir en ricanant sur l’ordonnénce du Juge des référés. Fume !

Et pour mes points de permis de conduire, Préfet, tu peux faire quelque chose ? Je peux déliquer légalement, ou faut que je continue à délinquer illégalement ?

Le Parisien Val de Marne, 24/08/08

DOUZE ENSEIGNES du centre commercial Thiais-Village (dont Décathlon, Boulanger, Fnac ou King Jouet) vont pouvoir ouvrir au public en toute légalité aujourd’hui. Le préfet du Val-de-Marne leur a accordé des dérogations pour le travail dominical. Jeudi, le juge des référés de Créteil avait pourtant interdit à 21 sociétés de Thiais-Village, assignées par la CFTC, d’employer des salariés le dimanche, sous astreinte de 1 000 € par infraction constatée et par salarié présent.

Au total, 19 enseignes du centre commercial se sont engagées à respecter la charte sociale unique en France élaborée dans le département. Préalable à toute demande de dérogation pour l’ouverture du dimanche, la charte prévoit notamment une consultation du personnel et des contreparties pour le travail dominical.

 

Le Parisien, 23/08/08

THIAIS-VILLAGE.

Confusion sur l’ouverture du dimanche

Condamnés par la justice, douze magasins du centre commercial devraient tout de même ouvrir demain.

PLUSIEURS enseignes du centre commercial de Thiais-Village qui se vont vu interdire, jeudi, l’ouverture dominicale par le tribunal de grande instance de Créteil, ont pourtant obtenu une dérogation de la préfecture du Val-de-Marne. C’est le cas du magasin Boulanger, spécialisé dans le multimédia et l’électroménager, ou de la Fnac, d’AMG distribution, de la Compagnie des étoffes… Douze magasins au total.
Le préfet a signé leurs dérogations le 18 août. Soit trois jours avant le rendu du jugement en référé. De plus, ces enseignes avaient été assignées en référé le 26 juin dernier par la Fédération des syndicats CFTC commerce, services et force de vente (CFTC-CSFV) et l’union départementale CFTC du Val-de-Marne.

Début juillet, le préfet du Val-de-Marne avait pris l’initiative de lancer une charte, unique en France. En clair, l’entreprise (hors alimentaire) candidate à l’ouverture du dimanche doit l’appliquer afin de constituer, ensuite, un dossier de demande de dérogation au repos dominical.

Une astreinte de 1 000 € par infraction constatée

« Sur les 25 entreprises concernées par ces jugements, 19 ont signé cette charte. A l’heure actuelle, 12 enseignes ayant rempli les critères de la charte et obtenu l’aval du personnel après concertation ont bénéficié de dérogations préfectorales », a indiqué le préfet du Val-de-Marne en ajoutant que d’autres dossiers sont « en cours d’étude dans le cadre de la loi ».

Au centre commercial de Thiais-Village, l’ambiance était, hier, à l’ironie chez certains responsables de magasins. A l’image de Boulanger, condamné aussi en mai, comme les autres, par le tribunal d’instance d’Ivry, où le jugement du tribunal de Créteil est accueilli avec philosophie. « Nous avons reçu, enfin, l’autorisation préfectorale mercredi dernier. Le lendemain, on apprend l’interdiction d’ouvrir par le tribunal. Je ne sais pas ce qui s’est passé.
Mais l’important est qu’on puisse ouvrir tranquillement ce dimanche », explique, rassuré, un responsable du magasin. Pour lui, il « ne s’agit ni de victoire ni de défaite ». A l’entendre, « ce sont les clients qui sont gagnants. On fait plus de chiffre le dimanche que le samedi. C’est dire que les clients veulent l’ouverture le dimanche », ajoute-t-il.

D’autres, en revanche, font grise mine. Sans dérogation, ils seront sous le coup d’une astreinte de 1 000 € par infraction constatée et par salarié, en cas d’ouverture dimanche. La pilule est encore plus dure à avaler pour des firmes comme Nocibé, magasin de cosmétiques, qui a signé la charte mais qui n’a pas, pour le moment, obtenu de dérogation. Précision du préfet : « La charte, ce n’est pas une dérogation. Le dossier de dérogation est étudié au regard de la charte, mais c’est la loi qui prévaut. »

Le Parisien
 

 

 Notre commentaire :

Le préfet détient un pouvoir de dérogation propre lorsque le repos hebdomadaire serait « préjudiciable au public » ou « compromettrait le fonctionnement normal de cet établissement« .
 
Il peut donner une dérogation, à partir du moment où elle demeure temporaire, pour une durée déterminée (un an, deux ans, trois ans, voire plus). C’est ce qui s’est passé à Plan de Campagne, où les autorisations temporaires ont été renouvelées sans cesse et ont finalement dépassé le cadre souhaité par le législateur.
 
Les conditions alternatives prévues par le texte sont strictement encadrées par le juge qui applique la législation de manière conforme à la Loi de 1906 et à la convention de l’OIT.
 
Le cas de « préjudice au public » se manifeste plus spécifiquement le dimanche. La jurisprudence retient souvent comme critère celui du type de commerce : elle a écarté ce motif s’agissant du bricolage, des moquettes, de l’habillement, de l’électroménager à plusieurs reprises… Il n’y a en effet rien d’irrémédiable à ne pas pouvoir acheter son lave linge ou sa perceuse le dimanche. La difficulté de faire ses courses le samedi n’est pas un préjudice suffisant par exemple. De même, il est difficile de penser que ne pas pouvoir acheter « le Petit Futé » au Grand Cercle le dimanche soit un réel préjudice.
 
Il va être encore plus difficile de justifier une éventuelle « atteinte au fonctionnement normal de l’établissement« . En effet, il est notamment interdit de justifier de cette atteinte à partir du chiffre d’affaire illicitement réalisé précédemment le dimanche. L’argument d’un accès difficile, quelquefois utilisé pour justifier ce critère, est aussi indéfendable, puisque l’implantation du Centre Commercial au plan local avait été autorisée. C’est même le sémillant Luc Chatel qui est venu l’inaugurer.
 

Autant dire qu’il est difficile de penser que l’un ou l’autre de ces deux critères puisse être retenu à THIAIS, s’agissant d’un centre commercial nouvellement implanté, et au regard des commerc
es concernés par les dérogations.
 
Dans des contextes semblables, les arrêtés préfectoraux du Val d’Oise, concernant CONFORAMA et BOULANGER, ont été annulées devant le Tribunal Administratif de Cergy l’an passé, l’avocat de FO, M° Lecourt, ayant d’ailleurs émis des conclusions conformes du commissaire du gouvernement.
 
Bref, la gestion de cette crise par le Préfet devrait être un peu secouée dans les jours qui viennent.
 
Reste à voir ce que vont faire la CFTC et FO sur ce point, puisqu’apparemment, la CGT proteste aussi mais sans agir, tandis que la CGC est aux abonnés absents, et que la CFDT s’est précipité sur la « charte » à deux balles du Préfet pour causer doctement de paix sociale (« quand on rétablira l’esclavage, il s’en trouvera toujours pour négocier la longueur des chaines », comme dit mon ami Cissé)

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