Mailly écrit à Mallié pour défendre le repos dominical

Monsieur le Député Richard MALLIE

Député UMP
Assemblée nationale
126 rue de l’Université
75355 Paris 07 SP

 Paris, le 7 mai 2008

 

 Monsieur le député,

La lecture de votre « proposition de loi visant à rénover les dérogations au repos dominical » oblige la Confédération Force Ouvrière à réagir fortement pour de nombreuses raisons.

•I.        D’une part, les motifs que vous exposez sont, apparemment emplis de bonnes intentions, mais en totale contradiction avec les dispositions de votre proposition de loi.

En effet, vous entendez simplifier et « dépoussiérer la législation en vigueur » mais vous ajoutez aux « plus de 180 dérogations de plein droit » existantes, des hypothèses nouvelles de dérogations au repos dominical et créez, pour celles-ci, des procédures distinctes.

Vous dénoncez des « situations ubuesques » (trottoir classé en zone touristique et l’autre non, opticien pouvant ouvrir le dimanche à condition de vendre des lunettes de soleil), engendrées par les définitions actuelles que vous estimez floues.

Pourtant, les critères que vous retenez pour la zone d’attractivité commerciale exceptionnelle [1] sont loin d’être simples à mettre en œuvre et, à moins que cette zone n’ait aucune limite, conduiront tout autant à inclure ou exclure des commerces ou zones proches les uns des autres mais plus ou moins isolés.

Vous conservez également la définition floue de « communes et zones touristiques » tandis que disparaissent les critères précis « d’activités de détente ou de loisirs d’ordre sportif, récréatif ou culturel ».

Vous déclarez que « le principe du repos dominical doit rester la règle commune » alors que votre proposition vise essentiellement à banaliser l’ouverture le dimanche puisqu’elle permet l’ouverture de manière permanente, dans les zones touristiques, de tous « commerces de détail » et de tous « services au public ».

Ces nouvelles dérogations concerneront donc à terme les salariés de tous les secteurs d’activité.

Car qui gardera les enfants des salariés en activité le dimanche ?

Les services publics, les crèches, les écoles, les transports, les administrations, les banques, les assurances, les fournisseurs, les informaticiens, les agents d’entretien, de sécurité, de livraison… ne devront-ils pas, à terme, demeurer également ouverts pour servir les commerces, services et travailleurs du dimanche ?

Vous faites également état des gains économiques [2] que votre proposition engendrerait pour les commerces concernés. 

Pourtant, ce gain financier ne bénéficie pas aux salariés sur lesquels repose l’effort de travailler le dimanche. Car, si votre proposition de loi pose de faibles garanties minimales, celles-ci ne s’imposent qu’en cas de décision unilatérale et pour deux types d’autorisations seulement [3].

Il n’y a donc aucune garantie légale minimale pour les salariés en cas de conclusion d’un accord collectif ou à défaut de décision unilatérale, cette dernière n’étant pas obligatoire.

Le dimanche pourrait donc être une journée comme les autres pour les salariés, sans aucune amélioration de leur pouvoir d’achat.

Et, lorsque le dimanche sera un jour travaillé comme les autres, qu’en sera-t-il des gains financiers des secteurs des loisirs, de la restauration ou de l’hôtellerie dont l’activité se situe essentiellement le week-end ?

Quid de ceux des petits commerces, des artisans et des marchés traditionnels, qui ne pourront suivre les mêmes plages d’ouverture que les grands commerces, ni s’implanter dans les zones touristiques dont les prix vont grimper et qui, de ce fait, disparaîtront encore davantage ?

De même, à terme, il n’y aura plus de plus-value pour les entreprises aujourd’hui concernées puisque le dimanche n’aura plus aucune particularité.

Enfin, « la sécurité juridique » ne sera pas préservée.

Dans un délai de 4 mois, de nombreuses formalités sont à remplir (triple consultation, accord ou décision unilatérale, consultation du CE ou des délégués du personnel et référendum), d’où le risque flagrant d’autorisations implicites nombreuses, qui ne seront alors pas publiées et connues de personne.  

Elles pourront alors faire l’objet de recours à tout moment.

•II.      D’autre part, votre proposition de loi ne tient pas compte des réalités locales et sociales. 

Elle ne prend pas en compte la situation des salariés.

Nous avons abordé la question de l’absence de garanties légales minimales.

De plus, si aucune justification du salarié quant à son refus de travailler le dimanche n’est exigée (telle des raisons familiales impérieuses…), ce droit ne signifie rien.

En effet, il n’empêche pas le risque de discrimination des salariés ayant refusé.

Face au marché du travail, quelle liberté d’acceptation ou de refus lorsqu’un contrat prévoyant le travail le dimanche est proposé à l’embauche ?

Elle concentre tous les pouvoirs au niveau des préfets et retire tous pouvoirs aux maires et aux interlocuteurs sociaux.

Les zones touristiques et d’attractivité commerciale exceptionnelle ne seront plus « toujours classées sur proposition des conseils municipaux », comme vous le laissez entendre : elles pourront l’être.

La différence est de taille : la demande ou proposition préalable des conseils municipaux devient une faculté (alors qu’aujourd’hui, les préfets ne peuvent pas intervenir sans initiative préalable des maires).

Le préfet pourra donc intervenir de lui-même, voire sur demande des entreprises concernées elles-mêmes. 

De même, l’accord collectif prévoyant le respect du repos dominical ne primerait plus sur la décision du préfet qui pourrait y déroger, ce qui est en contradiction avec la volonté du gouvernement de privilégier le dialogue social.

L’une des dispositions de votre proposition de loi est d’ailleurs contraire au droit commun de la négociation collective qui prévoit, à défaut de délégués syndicaux, la faculté de négocier avec d’autres acteurs.

•III.    En dernier lieu, autoriser et banaliser le travail le dimanche est, d’une manière générale, lourd de conséquences.

Quelle vie privée, quelle vie de famille lorsque, à terme, l’un des parents travaillera le samedi, l’autre le dimanche et auront des jours de repos hebdomadaires différents, alors que, justement, notre société souffre déjà d’une déstructuration des liens familiaux ?

Quelle vie associative, sportive, culturelle, philosophique en outre ?

Il y a là une contradiction avec la volonté affichée du gouvernement de concilier vie privée et vie professionnelle.

Vous faites état d’une demande de « consommation dominicale ».

Mais, à terme, le consommateur ne sera pas plus en mesure de consommer le dimanche que les autres jours… Quels « achats en famille » si les liens familiaux ne sont pas favorisés ?

De telles mesures ne sont donc pas susceptibles d’enrayer la hausse de la consommation via Internet…

A fortiori toute extension du travail le dimanche limitera, par définition, le nombre de consommateurs pouvant c
onsommer le dimanche et nous savons tous que le volume global de consommation est étroitement corrélé à l’évolution du pouvoir d’achat.

Vous estimez prendre en compte la volonté des salariés de travailler également le dimanche.

Mais, le travail le dimanche ne crée pas ou peu d’emplois et génère davantage de contrats précaires, le recours à l’Intérim, aux heures supplémentaires ou complémentaires, des pressions auprès des salariés, des discriminations à l’encontre des salariés déjà en place, une pénibilité supplémentaire due à l’augmentation des amplitudes de travail…

Toutes ces raisons conduisent la Confédération Force Ouvrière à s’opposer et lutter contre l’extension des dérogations au repos dominical.  FO considère que cette proposition de loi ne devrait pas être présentée au parlement et que devraient être, au contraire, restreintes les nombreuses dérogations au repos dominical déjà existantes.

Je vous prie d’agréer, Monsieur Le Député, l’assurance de mes sincères salutations.

Jean Claude MAILLY
Secrétaire Général


 1) Les critères d’attractivité commerciale exceptionnelle seront précisés « au regard de l’importance de la clientèle concernée et de l’éloignement de celle-ci des zones commerciales en cause ».

 2) Vous annoncez, en effet, que « les commerces, qui ouvrent actuellement le dimanche, réalisent souvent plus du tiers de leur chiffre d’affaire sur cette journée ».

3) Pour les communes et zones touristiques et lorsque le repos dominical serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de l’établissement.

Laisser un commentaire