On ne consommera pas plus mais simplement un jour différent

Un interview de Vincent Lecourt, paru sur le Nouvel Observateur – article original sur ce lien.

L’OUVERTURE DES MAGASINS LE DIMANCHE
« On ne consommera pas plus mais simplement un jour différent »

Quelle est actuellement la législation en vigueur sur l’ouverture dominicale des magasins ?

– La loi n’est pas ambigüe. Elle impose le droit au repos le dimanche. Une dérogation est accordée aux « activités essentielles » comme la boulangerie ou les usines qui ne peuvent pas s’arrêter de fonctionner en raison du risque ou du désagrément qu’elles feraient courir aux usagers.

Il existe aussi les zones touristiques et la dérogation municipale qui permet au maire d’autoriser l’ouverture des magasins 5 dimanches par an. C’est pourquoi on trouve de nombreux magasins ouverts le dimanche en période de soldes.

Les enseignes qui ne sont pas autorisées à ouvrir le dimanche mais le font sont condamnées à des astreintes. Or, la liquidation de ces dernières n’est pas systématique. Pour quelle raison ?

– Les magasins qui ouvrent le dimanche risquent une contravention pouvant aller jusqu’à 1.750 euros par salarié. L’astreinte est la peine maximale encourue. Le magasin qui continue d’ouvrir le dimanche alors qu’il est sous astreinte doit payer. Conforama est la première enseigne à avoir enfreint la loi, en 1993. Elle n’a jamais régler l’astreinte car elle a bénéficié « de la tolérance de l’administration », c’est-à-dire de l’Etat. Ça a fait tâche d’huile. Depuis, des d’enseignes ouvrent le dimanche sans jamais régler l’astreinte. J’aimerais savoir pourquoi la loi pénale ne s’applique pas.

Pour quelles raisons Force ouvrière est-elle opposée à l’ouverture dominicale des magasins ? Nicolas Sarkozy s’est à plusieurs reprises prononcé en faveur de la libéralisation du travail dominical. Par quels moyens le syndicat compte-t-il s’opposer si une loi passait dans ce sens ?

– Il n’appartient pas au pouvoir exécutif de fixer les lois. Jusqu’à présent, le Conseil économique et social (assemblée constitutionnelle consultative placée auprès des pouvoirs publics, ndlr) considère que le repos dominical se justifie et, même s’il est favorable à ce que les maires bénéficient de plus de pouvoir de dérogation, il n’entend pas pour le moment remettre le jour du dimanche en question.

Force ouvrière veut mettre les gens à égalité en laissant en place un jour de repos commun à l’ensemble de la société.

Supprimer le dimanche comme jour de repos obligatoire va également entraîner la déstructuration des familles. Comment fera une mère célibataire qui travaille le dimanche pour s’occuper de ses enfants ? Quand un père divorcé pourra voir ses enfants si son jour de congé est en semaine? Par ailleurs, l’Education nationale entend supprimer l’école le samedi. Comment feront les parents qui travaillent tout le week-end pour passer du temps avec leurs progénitures ?

Si on autorise l’ouverture dominicale des commerces, il y aura un effet de ricochet sur les autres entreprises de nettoyage, de sécurité et de logistique notamment.

Avec le Grenelle de l’environnement, on n’a pas cessé de dire qu’il fallait trouver des solutions au problème de la pollution. Ouvrir les magasins le dimanche aura un impact écologique considérable avec les déplacements en voiture, le chauffage, l’électricité.

Les sondages sur la question montrent que les plus favorables au travail dominical sont les chômeurs et les étudiants. C’est révélateur d’un système social qui n’est plus cohérent : ils sont prêts à accepter la précarité quelles qu’en soient les répercussions sur leur vie. On assiste à la diminution de la norme sociale.

Enfin, d’un point de vue économique, l’étude Procos a montré que si l’ouverture dominicale des commerces entraînerait une augmentation de 0,2% du PIB, cette hausse serait réduite à néant au bout de deux ans car on ne consommera pas plus mais simplement à un jour différent.

Force ouvrière a proposé d’accepter l’ouverture des magasins le dimanche si les bénéfices de ce jour-là étaient entièrement reversés aux salariés. Aucune enseigne n’a accepté.

Interview de Me Vincent Lecourt par Sovanny Chhun
(le mercredi 5 décembre 2007)

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