Il ne faut pas banaliser le dimanche

« Il ne faut pas banaliser le dimanche »
Challenges.fr | 19.12.2007 | 19:05

Par Daniel Raoul, sénateur (PS) du Maine-et-Loire.

Alors que le Conseil économique et social doit rendre public demain un rapport plutôt prudent sur l’ouverture dominicale des magasins, vous protestez contre l’adoption par le Sénat d’un amendement à la loi Chatel, autorisant cette ouverture pour les magasins d’ameublement…

– Je note que l’ensemble des syndicats -y compris l’UPA (Union professionnelle artisanale) et la CGPME (Confédération générale des petites et moyennes entreprises)- se positionnent contre ces ouvertures. J’ai eu récemment l’occasion de recevoir la fédération des commerçants de l’ameublement, qui regroupe des petites et moyennes surfaces, et est également vent debout contre elles.
Cet amendement est un amendement d’opportunité consécutif à des condamnations [plusieurs enseignes ont écopé d’astreintes pour avoir ouvert le dimanche, ndlr], et constitue une maladresse: au moment où le président de la République organise une conférence sociale, il n’est pas opportun de légiférer ainsi sur le sujet nuitamment.
De plus, l’argument d’Isabelle Debré [auteure UMP de l’amendement, ndlr] disant que ces ouvertures dominicales sont prévues par la convention collective du secteur est faux: elles y sont limitées à 5 ou 10 ouvertures par an. Cet amendement est le résultat d’une manipulation.

Que répondez-vous à ceux qui disent que ces ouvertures peuvent augmenter la consommation et créer des emplois, par exemple pour les étudiants ?

– Evidemment, aller au magasin peut constituer une sortie dominicale, mais cela ne change rien au pouvoir d’achat des consommateurs. Cette mesure n’augmentera pas d’un centime la consommation! Et elle créera même des charges supplémentaires, puisque les heures seront payées à des taux plus élevés.
Que la fermeture des commerces le dimanche pose un problème dans les villes touristiques (sur les Champs-Elysées, par exemple, avec de nombreux grands magasins), je peux le concevoir. Il faut aussi trouver des compromis dans le commerce alimentaire. Mais cet amendement concernant les grandes surfaces de bricolage et d’ameublement n’a aucun intérêt.
Enfin, concernant l’impact sur l’emploi des étudiants, il serait plus simple et plus urgent d’augmenter les bourses et d’améliorer leur accompagnement social.

Le repos dominical doit-il rester un principe « solennel » ?

– Oui, il ne faut pas banaliser le dimanche -c’est d’ailleurs ce que concluait un précédent rapport du Conseil économique et social, remis en février 2007. En effet, l’ouverture dominicale remet en cause le rassemblement familial du dimanche et la vie associative.
Le vote de l’amendement Debré constitue donc une brèche annonciatrice d’autres atteintes, et c’est pourquoi j’ai déposé un amendement de suppression, qui sera examiné en commission mixte paritaire mardi soir, avant l’examen du texte jeudi. Il appartient plutôt à la conférence sociale et aux partenaires sociaux d’examiner cette question.

Propos recueillis par Jean-Marie Pottier,
(le mardi 18 décembre 2007

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