Chez Conforama, on voudrait bien travailler plus

Un article paru dans Marianne

Les salariés du groupe Pinault-Printemps-la Redoute sont en grève pour réclamer une augmentation immédiate des salaires, qui dépassent rarement le Smic.

Si certains croient voir dans le travail du dimanche une possibilité de pallier les salaires de misère proposés par cette branche du groupe PPR, des salaires décents ne seraient-ils pas une solution meilleure au problème rencontré ? (Conforama appartient au groupe PPR, dirigé par l’un des fils de François Pinault, troisième fortune de France en 2007)(NDLR)

Depuis une semaine, le magasin Conforama du Pont Neuf à Paris n’est plus chauffé. « Je travaille ici depuis 15 ans, les conditions de travail n’ont fait que se dégrader » nous explique une vendeuse. Depuis début octobre les employés – vendeurs, caissiers, décorateurs et chargés du dépôt – réclament une augmentation des salaires de 120 euros, une amélioration des conditions de travail, la possibilité de travailler les dimanches et surtout de la reconnaissance : « On se sent délaissés et méprisés, voire même discriminés pour certains ». Une journée de grève comme celle de samedi leur coûte entre 50 et 100 euros chacun, une somme importante quand le salaire le plus haut est de 2000 euros net par mois.

Responsable du rayon ménager, F. a 55 ans et travaille chez Conforama depuis 25 ans. En arrivant elle gagnait 3000 euros, mais ne gagne plus que 2000 euros : « aujourd’hui, s’exclame-t-elle, le slogan ici c’est travailler plus pour gagner moins. » Il y a encore dix ans, l’ambiance était très bonne, « c’était comme une famille » regrette une jeune vendeuse mobilier. Grâce à une aide patronale, elle vit dans le centre de Paris, mais avec un loyer de 600 euros et un salaire de 1200 elle ne peut même pas imaginer fonder une famille avec son fiancé, vendeur également : « J’aime mon métier, mais ces conditions me font tout remettre en question. » Diplômée d’une licence de langue, elle a arrêté les études en rencontrant son fiancé. En quinze ans, elle n’a jamais été augmentée.

Travailleurs précaires

« On gagne peu et la pression est énorme, beaucoup dépriment, il y a même eu un suicide au centre de Bondy », poursuit F., l’une des plus anciennes. Elle aimerait pouvoir travailler les dimanches mais on le leur refuse. « Il n’y a aucune confiance entre les cadres et les employés, ils ne nous adressent pas la parole, nous manipulent et créent des conflits entre les vendeurs ». Les caissiers eux n’osent pas faire grève, avec les chargés de dépôts ils sont ceux qui gagnent le moins : à peine 1000 euros net par mois. Une misère pour J., au dépôt depuis cinq ans et pourtant titulaire d’un BTS en Communication des entreprises : « Conforama a été mon premier employeur et ma première déception. Je gagne entre 800 et 950 euros par mois, je travaille 35 heures et je suis seule à faire le boulot de trois personnes dans un hangar non chauffé». La CGT, l’unique syndicat représentée ici, exige l’ouverture de négociations et considère indécents l’ensemble des salaires : « Les réunions sont houleuses, en 35 ans je n’ai jamais vu une ambiance pareille, moralement c’est vraiment dur » explique M.Guez, délégué syndical et lui-même vendeur.

Depuis l’intérieur du magasin les cadres, qui remplacent les vendeurs pendant qu’ils manifestent, sont impassibles : « Ils ne nous soutiennent absolument pas et nous menacent de sanctions si on bloque les portes du magasin » continue-t-elle dépitée. F. renchérit et précise : « Ce sont les 35 heures qui ont fait baisser nos salaires, cette réforme nous a tué ». Si le « travailler plus pour gagner plus » de Sarkozy serait ici le bienvenu, les employés de Conforama n’en voient toujours pas la couleur. Alors que le Président cherche à concilier et promet une augmentation rapide du pouvoir d’achat, le groupe Pinault paraît plus occupé à fabriquer des salariés pauvres et ,de surcroit, très en colère.

Pauline Delassus

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