Le bal des tartuffes

Les enseignes d’ameublement craignent l’impact sur l’emploi d’une fermeture des magasins le dimanche. C’est du moins ce qu’elles veulent faire croire, un peu comme si les employeurs illégaux de la confection, qui font travailler leur personnel dans des conditions inimaginables, menaçaient le gouvernement d’augmenter le chômage en licenciant tout le monde en bloc. Ces enseignes, de plus, savent pertinemment qu’elles ne pourraient pas licencier des salariés qu’elles ont embauché illégalement. On a la mauvaise foi qu’on peut.

Les représentants de ces enseignes, dont chacun connaît les énormes difficultés financières (Augmentation de + 20% du CA d’Ikea en 2007, voir ce lien), évoquent ensuite la possible perte de CA qu’une fermeture dominicale leur causerait. Cet argument est plus intéressant, mais faisons une expérience. En 2008 que toutes les enseignes soit fermées, conformément à la loi, pour ne pas qu’une enseigne, qui serait demeurée ouverte, fasse une concurrence déloyale à l’autre. Je vous « fiche mon billet », comme disait Charles Melcer sur BFM cette semaine, que l’impact de cette fermeture sera NULLE sur le CA : les ménages n’achètent pas deux fois plus au motif qu’ils peuvent y aller un jour de plus. Aucun de ces patrons n’est prêt à tenter l’expérience. Vous avez dit mauvaise foi ?!

 

Un article du journal Le MONDE | 09.10.07 | 14h57  •  Mis à jour le 09.10.07 | 14h57

{xtypo_dropcap}L{/xtypo_dropcap}e dossier de l’ouverture des magasins le dimanche est sur le bureau du secrétaire d’Etat à la consommation, Luc Chatel. Lundi 8 octobre, il a rencontré Christophe Cuvillier, président de Conforama, et Jean-Louis Baillot, directeur général d’Ikea France. Les deux patrons, porte-paroles de cinq autres enseignes d’équipement de la maison – Fly, But, Crozatier, Atlas et Alinéa – ont aussi rendez-vous avec Christine Lagarde, la ministre de l’économie, mercredi.

L’enjeu est de taille. Ces sept enseignes font front commun, une première dans le secteur, pour faire changer la loi de 1906 qui interdit le travail dominical. Certaines activités bénéficient de dérogations permanentes (hôtels, restaurants, hôpitaux, pharmacie de garde, musées…) ou temporaires, c’est le cas des commerces, autorisées par le maire ou le préfet. Le salarié doit être volontaire et il doit obtenir une compensation financière.

En Ile-de-France, les 60 magasins Ikea, Conforama, Alinéa, But, Crozatier, Fly et Atlas connaissent une ouverture dominicale, pour certains même depuis quarante ans. Ils accueillent 7 millions de visites chaque dimanche. Et quelque 5 000 personnes travaillent ce jour dans ces magasins.

Mais les magasins du Val-d’Oise, toutes enseignes confondues, font actuellement l’objet d’un recours de l’union départemental du syndicat FO alors même qu’ils avaient obtenu une dérogation préfectorale.

Conforama a été condamné mi-septembre par le tribunal de grande instance de Pontoise à fermer ses trois magasins sous peine de 50 000 euros d’astreinte. But a écopé d’une amende de 20 000 euros par dimanche travaillé, Alinéa et Casa de 40 000 euros, et Fly, Atlas et Crozatier de 10 000 euros.

Soutenu par ses salariés, Conforama, après avoir fermé deux dimanches d’affilée, a finalement rouvert, imitant les autres magasins du département. « Cela nous a déjà coûté 150 000 euros. Au total, nous en sommes à quelque 2 millions d’euros pour l’ensemble des enseignes », affirme M. Cuvillier.

25 % DU CHIFFRE D’AFFAIRES

Les patrons de ces enseignes insistent sur les enjeux économiques du maintien de l’ouverture le dimanche en Ile-de-France. Ce jour-là représente 23 % du chiffre d’affaires de Conforama, et entre 20 % et 25 % pour les autres enseignes, soit le deuxième jour de la semaine derrière le samedi mais le premier en terme de fréquentation. « Chez nous, un client sur trois vient le dimanche, assure M. Cuvillier. Surtout, 60 % de nos salariés sont volontaires pour travailler ce jour-là. » Ils sont payés double.

Pour les enseignes, fermer le dimanche serait donc catastrophique car il sera impossible de reporter le chiffre d’affaires perdu sur les autres jours de la semaine. Elles agitent aussi le spectre des suppressions d’emplois. « Il y aura des conséquences inéluctables… Or au moment où le gouvernement dit qu’il faut relancer la croissance, fermer les magasins le dimanche bloquera la consommation », souligne M. Baillot.

Le gouvernement prévoit d’engager des négociations sociales avec les partenaires sociaux et de légiférer sur le sujet début 2008. « Dans certaines agglomérations, des commerçants ont la volonté d’ouvrir leurs magasins le dimanche mais il y a un blocage administratif qui fait que l’on ne peut pas. Le but du gouvernement c’est de libérer tout cela », a déclaré M. Chatel sur BFM le 4 octobre.

Reste à savoir quelle forme prendra cette loi. Le dimanche deviendra-t-il un jour comme les autres ?

C’est ce que craint Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO. Selon lui, une modification de la loi risque de banaliser le travail du dimanche. Ce qui conduirait à ne pas payer davantage les salariés. « Il n’est pas question de paupériser nos salariés. Au contraire, nous souhaitons maintenir leur pouvoir d’achat », assure M. Cuvillier. Pour M. Baillot, le dimanche doit garder son caractère exceptionnel avec le volontariat et la rémunération qui va avec. Les enseignes s’engageraient donc à continuer à payer double leurs salariés ce jour-là.

Nathalie Brafman

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