La puissance médiatique, politique et financière des grandes enseignes

Christine Lagarde

Si on s’en tient à ce qu’affirme le Monde dans son édition du 9 octobre, les Pdg d’IKEA et CONFORAMA ont été reçus par M. CHATEL et devaient l’être aujourd’hui par Madame LAGARDE.

Ils ont bien de la chance…

Des représentants de contrevenants, c’est à dire de personnes qui revendiquent violer volontairement une disposition sanctionnée pénalement, sont reçus par les plus hautes autorités de l’Etat en charge de faire respecter la Loi et l’Etat de droit et d’assurer l’égalité entre les enseignes grandes et petites.

En même temps, l’opinion publique stigmatise l’affaire AIRBUS/EADS où on voit qu’aurait été privilégié un intérêt financier alors que dans le même temps il y a de la casse sociale. Les mêmes ministres demandent des comptes.

J’avoue ne plus tout comprendre. Y a t-il deux poids deux mesures ? Une Loi peut-elle être violée alors même qu’elle est encore effective quant il s’agit de l’intérêt des salariés ?

S’agit-il d’une forme de désaveu implicite des décisions prises par les tribunaux ?

L’offensive est donc désormais clairement politique, terrain sur lequel les enseignes qui sont dans l’illégalité en ouvrant le dimanche, ne risquent pas de trouver une quelconque opposition, bien au contraire.

L’offensive est également clairement médiatique puisque l’article accorde à peine quelques mots à M. MAILLY, secrétaire général FO qui rappelle tout juste que le dimanche ne doit pas être banalisé aussitôt démenti par les enseignes qui promettent vouloir maintenir le pouvoir d’achat des salariés.

Le débat se trouve particulièrement déséquilibré.

Cet article reprend également à bon compte des affirmations qui ne sont pas mêmes vérifiées, notamment la sempiternelle rengaine de licenciements qui juridiquement sont impossibles sur le Val d’Oise.

Je cite encore :

« Soutenu par ses salariés, Conforama, après avoir fermé deux dimanches d’affilée, a finalement rouvert, imitant les autres magasins du département. « Cela nous a déjà coûté 150 000 euros. Au total, nous en sommes à quelque 2 millions d’euros pour l’ensemble des enseignes », affirme M. Cuvillier. »

C’est faux, il n’y a pas eu un centime de réglé au titre des astreintes prononcées qui ne seront liquidées qu’en novembre.

Par ailleurs, quels sont les salariés qui ont soutenu leur employeur, ceux qui ont préféré manifester un très beau dimanche d’automne en se voyant maintenir leur salaire ou les représentants syndicaux qui dénoncent les manoeuvres employées pour les faire défiler. CONFORAMA a t’il oublié que ces derniers criaient à la concurrence déloyale contre IKEA alors que les deux PDG, main dans la main, s’en vont rencontrer les ministres et les médias.

M. CUVILLIER a oublié également d’informer la presse que son enseigne vient de demander à FO, par assignation datée pourtant du 5 octobre dernier plus de 570.000 Euros au motif d’un prétendu abus de droit en ayant engagé un recours contre cette seule enseigne. C’est sûr, c’est moins plaisant à raconter.

Au regard du contenu de ce site, cette nouvelle procédure laisse pantois puisque CONFORAMA est loin d’être la seule visée ou même condamnée, ce que M. CUVILLIER reconnaît lui même quand il fait état de 2.000.000 Euros d’astreinte non liquidées.

Là encore, il faudrait lui rappeler que l’astreinte est prononcée pour être suffisamment dissuasive pour espérer qu’elle n’aura jamais besoin d’être liquidée.

Un des arrêts rendus par la Cour d’Appel de VERSAILLES le 3 octobre dernier dans les affaires contre CASA et ALINEA où les condamnations prononcées en juin ont été confirmées vient de le rappeler pour confirmer le montant de l’astreinte prononcée.

Si elles avaient été liquidées, elles seraient en outre consacrées à des actions en faveur des salariés et pas à l’enrichissement d’un quelconque actionnaire, les syndicats n’en ayant pas, ce qui visiblement échappe là encore aux commentateurs qui préfèrent parler de jackpot et en réalité y projeter leur inconscient.

Faut il rappeler que le chiffre d’affaire réalisé chaque dimanche illégalement s’élève à 300.000 Euros environ pour les trois établissements CONFORAMA, et à 500.000 Euros pour IKEA pour son seul magasin de FRANCONVILLE ?

A l’heure actuelle, CONFORAMA emploie pas moins de 3 cabinets d’avocat différents face à un seul et reproche à Force Ouvrière de ne pas pouvoir affronter les 50 enseignes de l’ameublement dans l’illégalité. C’est certain, les moyens ne sont pas les mêmes et elle fait tout pour qu’il ne puisse en être autrement pour pouvoir se construire une image de victime d’un racket, pour reprendre les propres mots utilisés.

Le déséquilibre ne fait donc que s’accroître

Cela permet de comprendre pourquoi un petit commerçant ne peut pas, en réalité, lutter pour sa survie.

Pendant ce temps là, en Suisse, la Loi est en passe d’être modifiée, de manière radicale, selon les journalistes helvètes pour permettre aux commerçants d’ouvrir 4 dimanche par an… La Suisse serait-elle en passe de devenir une terre d’exil, un eldorado social ?

Heureusement une dépêche de l’AFP reprend les propos de Monseigneur Vingt-Trois qui met du baume au coeur à ceux qui souhaitent que les valeurs de la société ne deviennent pas celles de la consommation.

Je cite la dépêche :

Concernant enfin le travail dominical, l’évêque se demande s’il est bien « nécessaire » d’ouvrir les centres commerciaux le dimanche et si l’on prend suffisamment en compte les conséquences sur l’équilibre familial, plaidant pour une journée entière de temps libre vécu en commun.

« Même si bien des gens souhaiteront travailler dans ces conditions pour améliorer leurs feuilles de paye, est-ce pour autant une proposition raisonnable? Les employés doivent pouvoir gagner leur juste salaire sans être acculés à des horaires qui vont déstructurer l’équilibre de leurs relations familiales », a-t-il dit.

On peut trouver en ligne son homélie faite aux parlementaires.

De quoi répondre à ceux qui prétendent que le front favorable au repos dominical ne se limite pas à une minorité de syndicalistes qui ne sauraient légitimement représenter les salariés mais est bien plus largement représenté dans les courants humanistes où l’homme est au centre de la société.

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