Un long dimanche d'indolence : un article de l'abruti de service ?

Un long dimanche d’indolence

L’empereur Constantin Ier n’est pas simplement le créateur de Constantinople. C’est à lui que l’on doit aussi l’institution du repos dominical. Un décret impérial du 7 mars 321 institue qu’«au jour vénérable du soleil, les magistrats et les habitants doivent se reposer et que tous les ateliers soient fermés». Ce jour du soleil (sunday pour les Anglais ou sonntag pour les Allemands) est pour nous, Français, le jour du seigneur (dies dominicus) par référence aux propos de la Genèse : «Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia, parce qu’en ce jour il se reposa de toute son oeuvre qu’il avait créée en la faisant.» 

La chronique d’Yves de Kerdrel – Le Figaro – La Voix de son Maître 20/06/2006 

 

Le moralisme à la sauce Kerdrel : l’avis du journal Marianne

L’Evangile selon saint Yves (de Kerdrel)
Marianne N° 455 Semaine du 07 janvier 2006 au 13 janvier 2006 – Auteur : J.D.

Dans le Figaro, Yves de Kerdrel s’en est pris avec véhémence à ceux qui proposent de taxer les superprofits des pétroliers. L’éditorialiste y voit la trace indélébile d’un « vieux fonds égalitariste » , comme quoi l’inégalitarisme est une valeur d’avenir. Pour Yves de Kerdrel, le problème est aussi simple que le partage de la bûche de Noël le soir du réveillon : « Les bénéfices ne sont ni un gâteau à partager, ni une galette réservée aux actionnaires, mais du levain pour les emplois futurs. » C’est beau comme la multiplication des petits pains par le Christ. Mais, s’il suffisait que les multinationales dégagent des profits pour que l’emploi soit sauvé, vu la gloutonnerie financière des stars du CAC 40, le chômage devrait être relégué depuis longtemps au rayon des vieux souvenirs, avec le rouet et la lampe à huile. Telle n’est pas la réalité de ce bas monde, où la course aux superprofits s’apparente au tonneau des Danaïdes. Saint Yves (de Kerdrel) invite à méditer ce sermon : « Une entreprise est citoyenne dès lors qu’elle est profitable. » Disons plutôt que l’entreprise sera citoyenne le jour où l’utilisation de ses profits le sera.

C’est dire que, depuis des siècles, il est à la fois normal, légitime et moral de se reposer un jour par semaine. Et cet usage issu à la fois de l’histoire, des pratiques religieuses et du mode de vie rural a fini par être transcrit dans le droit du travail, il y a exactement un siècle, juste après la séparation de l’Église et de l’État. Le Code du travail, qui est à tous les dirigeants d’entreprise une forme de bible, en plus rigoureux et, en plus ennuyeux, précise donc qu’il est «interdit d’occuper plus de six jours par semaine un même salarié. Le repos hebdomadaire doit avoir une durée de vingt-quatre heures et être donné le dimanche».
 
Bien sûr, il existe des dérogations à cette règle d’airain. Bien sûr, il y a une série d’exceptions, notamment pour les commerces qui n’emploient pas de salariés. Mais tout cela n’a pas empêché la justice d’ordonner il y a quelques jours la fermeture le dimanche du magasin Louis Vuitton des Champs-Élysées, et la cour d’appel de Versailles de condamner 73 des 140 boutiques du centre commercial Usines Center à se mettre en conformité avec la loi. 
 
Pour une fois, cette incongruité économique n’est pas le fait d’une inspection du travail trop zélée. Non, c’est le résultat d’une action judiciaire menée par un ancien commerçant, devenu président de la Fédération nationale de l’habillement, et qui mène, comme l’empereur Constantin, de façon messianique ce combat contre l’ouverture le dimanche. «Ceux qui ouvrent avec du personnel ce jour-là pour gagner des parts de marché ne sont que des tricheurs.» Et certains syndicalistes de le soutenir en affirmant : «Il est indispensable qu’un jour par semaine soit consacré aux loisirs, à la famille ou à la culture.» Cette attitude soulève deux questions fondamentales. D’abord est-ce vraiment à l’État, à travers le droit du travail, de décider ce que les citoyens doivent faire ou pas de leur dimanche ? Est-ce à une nation laïque depuis plus d’un siècle de réglementer le «jour du seigneur» et de laisser le préfet ou le maire décider quels services et quels commerçants ont le droit de fonctionner ce jour-là ?
 
La seconde question de fond soulevée par ce débat tient à l’offre de travail. Avec l’échec patent – et désormais reconnu à gauche – de la triste expérience des 35 heures et les désillusions liées au mythe du «partage du travail», nombreux sont ceux qui prennent conscience qu’il faut travailler plus. De manière à créer plus de richesses individuelles et collectives. Or l’ouverture des co mmerces et de certains services le dimanche constitue une formidable opportunité en la matière. 
 
C’est tout un espace nouveau du monde du travail qui pourrait s’ouvrir si la législation française renonçait à sa désuétude et à son dogmatisme. Peut-être les postes offerts ce septième jour de la semaine sont-ils principalement réservés à des travailleurs précaires, à des «petites mains» embauchées pour l’occasion ou à des étudiants désireux de «mettre du beurre dans les épinards». Mais, globalement, c’est une masse de travail supplémentaire qui serait offerte de facto dans un pays qui compte le plus faible nombre d’heures travaillées parmi les membres de l’OCDE.
 
Sur le plan micro-économique, c’est encore plus évident. Puisque des commerces ouverts le dimanche satisfont à la fois les consommateurs (75% des Franciliens y sont favorables), les personnels concernés (15% des Français travaillent déjà le dimanche) qui sont quelquefois payés le double d’une journée ordinaire, les commerçants, dont certains réalisent ce jour-là 35% de leur chiffre d’affaires hebdomadaire et, enfin, l’État, qui peut engranger de la TVA supplémentaire et d’autres impôts sur les richesses ainsi créées.
 
Il est donc temps d’arrêter cette hypocrisie qui consiste à jeter un voile pudique sur le téléshopping qui se déroule sept jours sur sept ou sur les ventes par Internet qui ne s’arrêtent jamais et à refuser l’ouverture de quelques franchisés dans un centre commercial anonyme. Ce n’est pas seulement parce qu’à la clé, dans ce cas précis, il y a six cents emplois en jeu. C’est aussi une question de principe.
 
Veut-on vraiment travailler plus, créer une nouvelle offre de services, s’aligner sur les principaux pays occidentaux et répondre aux besoins d’une population dont le mode de vie évolue ? Ou bien désire-t-on par ces longs dimanches d’indolence empêcher tous ceux qui le souhaitent de créer de la richesse et transformer les centres-villes en musées ? Ce sont là des questions qui ne pourront pas rester indéfiniment dans les mains d’une jurisprudence hésitante et que les politiques devront régler en pragmatiques. L’époque de Constantin et de l’Empire romain d’Orient est bel et bien révolue.

L’avis du Père Ubu

Alors, Père Ubu, l’abruti de service ?

Là oui, j’avoue qu’à lire un article pareil, la moutarde me monte au nez. Quand cet ab
ruti de Môssieur de Kerdrel, membre de la très sélect FAF (French American Foundation, la liste des membres est édifiante), et du groupe de pression occulte de Bildberg (http://www.oulala.net/Portail/article.php3?id_article=2464) vient nous présenter le combat “messiannique” que mênerait un petit commerçant vertueux contre les obscurantistes héritiers de Constantin, ça me fait bien marrer. Quand, dans son article de commande, il vient nous dire que, puisque les 35 heures sont un échec patent, il ne reste plus qu’à travailler le dimanche, j’avoue avoir des envies peu avouables à l’endroit (et à l’envers) de cet “éditorialiste” qui ose publier d’aussi affligeantes énormités. Que cet abruti commence par écrire deux fois plus, en profitant de cette “formidable opportunité” que serait selon lui le travail du dimanche, ce n’est pas cela qui va le nourrir davantage, car je doute que cela fasse vendre le Figaro deux fois plus.

Non, M de Kerdrel, la question du travail du dimanche n’a que peu à voir avec celle de la quantité de travail qui serait nécessaire, et vous savez très bien que l’économie est un peu plus complexe que les affirmations simplistes que vous étalez. Si vous voulez davantage de travail, camarade, pas de blème : l’UMP est majoritaire à l’Assemblée, il lui est facile de transformer les 35 heures en 38 ou 40 heures, à l’exemple de nos camarades Allemands. Mais curieusement, cela n’est pas venu à l’idée de l’UMP, qui avait pourtant hurlé à la ruine de la France, à l’époque. Il y a un moment où il faut avoir le courage de ses idées, et cesser de hurler au loup quand les moyens de les appliquer sont disponibles.

Mais puisque, se vautrant dans les délices d’un matéralisme débridé, Môssieur de Kerdrel, en homme bien élevé, veut cracher dans la soupe de Constantin et pisser dans ses assiettes, il pourrait avoir la courtoise élégance de l’écrire sans détours à ses lecteurs, plutôt que de se cacher derrière une véhémence de pacotille et un moralisme du dernier hypocrite.

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